Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec la cour de Pétersbourg un arrangement politique et militaire contre les chances d’une insurrection polonaise. Nous nous jetâmes sur la convention prussienne comme sur l’occasion officielle qui nous autorisait à intervenir, nous aussi, dans le conflit polonais ; nous demandions des explications à M. de Bismark, qui fit alors vis-à-vis de nous l’humble, le souple et le petit. Tel fut le début de cette campagne diplomatique de Pologne. Nous y entrions en rêvant que nous y conduirions l’Angleterre à notre suite, même pour des mesures de coercition, comme nous y avions réussi en 1854 pour les affaires du Turc. Au bout de l’année, nous étions déçus ; l’Angleterre, redoutant de notre part des convoitises d’agrandissement territorial, refusait de nous suivre ; l’insurrection polonaise était écrasée, et le prince Gortchakof chantait victoire dans des dépêches à fanfares. Alors éclata ce discours impérial convoquant tous les souverains à un congrès sans exemple par une invitation publique et soudaine qui ressemblait à un arrêt fulminé contre la vieille Europe. L’invitation au congrès ne fut qu’une salve d’artillerie oratoire couvrant une retraite.

Cependant au lendemain de cet échec la fortune nous offrit une revanche où pouvait trouver satisfaction l’honneur de la France. Le roi de Danemark mourait, et les chambres danoises avaient à voter une constitution. Les cours et les partis en Allemagne, avec les vues les plus diverses, trouvèrent l’occasion excellente pour vider aux dépens du Danemark leurs vieilles querelles intestines. Si la France se fût alors unie à l’Angleterre, elle eût assurément opposé des obstacles, suscité des diversions à cet aveugle emportement des cours et des partis germaniques, que la plupart de ces cours et de ces partis ont aujourd’hui tant de motifs de déplorer. Nous eussions eu l’honneur de maintenir loyalement la signature de la France au bas d’un traité ; nous eussions eu le mérite de faire respecter un petit peuple libéral, courageux, duquel malgré ses revers on peut dire qu’il possède des vertus politiques dont sont honteusement privées de grandes et fortes nations. Par une aberration d’esprit dont on ne saurait aujourd’hui condamner trop sévèrement le caprice, la politique française ne vit dans ces événemens qu’une chance de vexer la politique anglaise, et de la faire subir un déboire égal à celui que nous venions d’éprouver dans la question polonaise. On sembla se figurer que dans la question danoise, question essentiellement continentale, puisqu’elle soulevait en Allemagne les intérêts les plus contraires et les passions les plus diverses, l’insulaire Angleterre pouvait être plus intéressée que notre France de terre ferme. On prit donc une attitude indifférente, distraite, réservée ; on se déroba dans les brouillards du principe des nationalités ; on laissa faire l’Allemagne avec une indulgence dont M. de Bismark nous remerciait encore, il y a quelques semaines, devant la seconde chambre de Prusse avec sa rude ironie brandbourgeoise.

Les événemens depuis lors ont-ils parlé assez haut ? Croit-on encore que