Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/601

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gauche. Les moraines restent distinctes comme sur les glaciers actuels. Chaque convoi de matériaux suit le bord où il s’est déposé ; seulement ils s’étalent lorsque le glacier s’épanouit dans la plaine, comme nous voyons les moraines latérale et médiane du glacier de l’Aar s’étaler vers son extrémité, se réunir et recouvrir la glace d’une couche composée de menus débris et de blocs gigantesques[1]. Déjà en 1842, M. Arnold Guyot jalonnait les principales directions suivies par les roches erratiques du Valais ; mais le glacier du Rhône a encore laissé d’autres traces de son passage. Partout dans le Haut-Valais les roches sont moutonnées, polies et striées, comme celles qui bordent les glaciers actuels. Aux rétrécissemens, à celui de Viége par exemple, ces formes sont plus accusées parce que le glacier a dû faire effort pour traverser le défilé. Au-dessous de Brigg, la vallée s’élargit ; cependant les parois sont unies et usées, pas un rocher ne fait saillie, tout est uniformément aplani. Des blocs erratiques forment deux longues bandes à une grande hauteur au-dessus du fond de la rivière : ceux qui se trouvaient sur le milieu du glacier se sont déposés dans la vallée ; mais la plupart, enfouis dans les alluvions du Rhône, sont cachés aux yeux de l’observateur. Les monticules qui font saillie çà et là, tels que ceux de Tourbillon, de Valéria et de Majoria, près de Sion, ont tous été arrondis et striés par la glace qui les recouvrait ; ils sont semés de blocs erratiques, dont l’un, masse calcaire très volumineuse, située près de la poudrière, a été figuré par M. de Charpentier.

A Martigny, le glacier tournait à angle droit. Recevant le puissant affluent du Saint-Bernard et du Mont-Blanc, il a exercé une pression prodigieuse sur la montagne située en face de lui, c’est celle qui porte les ruines du château de La Bâtie. Les parois de cette montagne, au-dessus du cours de la Dranse, près de son embouchure dans le Rhône, sont dressées comme un mur colossal qui supporterait les vignes situées plus haut. Le glacier, continuant sa marche, recevait les psammites ou grès de Fouly, caractéristiques de la moraine latérale droite : il avait dans ce point une épaisseur de 970 mètres. Passant ensuite entre la dent de Morcles et celle du Midi, puis forçant la cluse étroite de Saint-Maurice, il a poli et strié partout le calcaire noir qui compose ces montagnes et déposé aux alentours de Bex d’énormes blocs erratiques ; c’est au milieu de ces blocs qu’habitait Jean de Charpentier, directeur des salines de Bex ; c’est lui qui les a décrits. Sur sa rive droite, près du village de Bévieux, le glacier a déposé des blocs calcaires provenant des contre-forts de la dent de Morcles et des Diablerets ; l’un d’eux, le plus gros que Charpentier connût, auquel il donna le

  1. Agassiz, Nouvelles études sur les Glaciers. Atlas, pl. III.