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politique la mission qui lui appartient d’écouter les griefs et de les examiner attentivement. Par malheur les questions qui intéressent le travail ne sont point de celles qui dépendent exclusivement, ni même pour la plus grande part, d’un vote politique. En d’autres termes, on accorderait toutes les réformes politiques et administratives, toutes les libertés imaginables, le droit absolu de parler, d’écrire, de se réunir, de s’associer, de se coaliser, que cela ne suffirait point pour améliorer la condition du travail manuel. On peut citer des nations réputées libres où la main-d’œuvre est misérable, tandis qu’elle jouit d’un certain bien-être dans d’autres pays qui ont conservé les institutions de l’ancien régime. Considérez également l’histoire des peuples qui ont traversé tour à tour des périodes de liberté et des périodes d’asservissement politique, et vous remarquerez que très souvent le travail manuel a été moins favorisé, moins rémunéré sous le régime de la liberté que sous le régime des restrictions. Cela veut dire que les réformes politiques que l’on propose de préférence, parce que la popularité s’y attache, n’exercent point une influence absolue sur les destinées du travail. Il ne faut certes point les négliger, car elles intéressent la dignité, l’honneur des citoyens ; mais on doit rechercher parallèlement dans un autre ordre d’idées les moyens pratiques de servir la cause des ouvriers en rendant plus facile l’augmentation du salaire : c’est là toute la question.

En première ligne figure l’instruction populaire, à laquelle M. Jules Simon, nous l’avons dit, accorde dans son programme une place proéminente. L’intelligence développée est la plus puissante des forces productives. Comme elle produit davantage et mieux, elle mérite une rémunération plus élevée : en outre elle est la source du progrès moral, qui conseille la bonne conduite, la prévoyance et l’épargne ; mais ce n’est pas tout. Il faut que cette intelligence développée par l’instruction trouve à s’employer autant que possible, et que l’ouvrage ne lui fasse pas défaut. A quoi serviraient la multiplication et le perfectionnement des outils, si l’atelier n’obtenait pas en même temps un plus grand nombre de commandes, si les transactions ne devenaient pas plus actives ? Il importe donc de multiplier les causes du travail, source unique du salaire, et c’est ici que l’économie politique intervient avec ses principes et ses enseignemens fondés sur l’expérience.

Les nations ont longtemps cherché les moyens de s’assurer, chacune à son profit, la permanence et l’abondance du travail. Les excès de réglementation, les restrictions de toute nature que nous critiquons si vivement aujourd’hui dans les lois de l’ancien régime, n’étaient inspirés que par le désir patriotique d’entretenir le