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hommage au système des landwehrs par des imitations plus ou moins exactes. Il entrait aussi dans les vues de Gouvion Saint-Cyr de constituer une armée peu nombreuse, mais appuyée sur une réserve solide et soustraite pour l’avancement aux influences de cour. Les obstacles surgirent de divers côtés. « Je pourrais dire pourquoi la réserve du maréchal Gouvion n’a pas été organisée, dit un jour le maréchal Clauzel à la tribune. — Parlez ! parlez ! lui cria-t-on. — Eh bien ! c’étaient les puissances étrangères qui ne le voulaient pas. » A un autre point de vue, les ultra-royalistes contestaient les plans du ministre. En défiance contre la multitude, ils craignaient ces rassemblemens d’hommes armés sous prétexte d’exercices : ils y voyaient des foyers de sédition. Ils rêvaient encore le monarque d’autrefois, chef et propriétaire de l’armée ; les lois réglant le recrutement et les grades leur semblaient une atteinte à la prérogative royale. L’école des La Bourdonnaye et des Sallabéry professait qu’en ce qui concerne l’emploi de la force publique le roi dans sa sagesse doit être le seul juge de la mesure et de l’opportunité. Justice fut faite de cette doctrine, au nom des constitutionnels, par ces vertes paroles de Royer-Collard : « C’est en vain que la chambre des députés siège, s’il existe sans elle et malgré elle une armée illimitée… Là où une telle armée aura été mise hors de l’atteinte des pouvoirs nationaux, il n’y a plus de questions politiques : les institutions sont un jeu, la liberté est un rêve. » La pensée de Gouvion Saint-Cyr sortit dénaturée de ces débats. La loi de 1818 fixa le service actif à six ans et l’appel de chaque année, par voie de tirage au sort, à 40,000 hommes, ce qui aurait donné un effectif de 240,000, réduit par les non-valeurs à 200,000. Les soldats après leur libération devaient être incorporés pour une seconde période de six années dans des légions de vétérans et soumis à des exercices en temps de paix, à un service territorial en cas de guerre. Au moment où les premiers libérés allaient rentrer dans leurs foyers éclata la guerre d’Espagne, entreprise impopulaire s’il en fut. Le mauvais vouloir manifesté par les vétérans fournit un prétexte pour condamner le système des réserves. Une loi nouvelle votée en 1825 porta la durée totale du service à huit ans et la levée annuelle à 60,000 hommes, ce qui aurait produit un effectif beaucoup trop considérable, si on n’était pas entré dès cette époque dans la voie des congés illimités. Ces premiers appels de 60,000 hommes, dont la naissance correspondait aux temps dés grandes guerres de l’empire, dépassaient les forces de la population, et en 1827 on épuisa le contingent sans réunir le nombre demandé.

L’explosion de 1830 mit le feu aux esprits. Les hommes du