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liques du monde entier, car c’est le propre des papes et bien souvent leur embarras, dont peut-être on ne leur tient pas toujours assez compte, qu’il leur faut agir non pas en vue d’un seul pays, mais de tous ceux qui acceptent leur suprématie religieuse. Quelques-unes des appréciations portées hors de France à cette époque par un homme qui fut depuis l’apôtre à coup sûr très éloquent, mais à notre sens très compromettant de la cause papale, sont remarquables par leur extrême vivacité et l’amertume dont elles sont empreintes. Ajoutons de plus qu’au moment où elles s’exprimaient dans une langue qui n’est nulle part de bon goût, mais qui est particulièrement choquante, quoique habituelle, dans une certaine école religieuse, ces appréciations étaient de plus souverainement injustes[1]. Le comte de Maistre ignorait alors les rudes assauts soutenus, les combats livrés en silence, les refus opposés en toute douceur, sans bruit comme sans jactance, par celui qu’avec tous les honnêtes gens il allait bientôt être tenu d’admirer, lorsque, — sa dignité de prince temporel et sa conscience de sacré pontife se trouvant à ses yeux clairement engagées dans des questions nettes et précises, — Pie VII, demeuré toujours patient, humble et résigné, mais devenu tout à coup d’une fermeté inébranlable, se mit à soutenir bien à contre-cœur la longue lutte défensive dont il nous reste maintenant à rendre compte.


D’HAUSSONVILLE.

  1. «... On se moque ici assez joliment du bonhomme, qui en effet n’est que cela, soit dit à sa gloire; mais ce n’est pas moins une calamité qu’un bonhomme dans une place et à une époque qui exigeraient un grand homme.
    « 9 mars 1804.
    « Les forfaits d’un Alexandre Borgia sont moins révoltans que cette hideuse apostasie de son faible successeur... Je n’ai point de termes pour vous peindre le chagrin que me cause la démarche que va faire le pape. S’il doit l’accomplir, je lui souhaite tout simplement la mort... Je voudrais de tout mon cœur que le malheureux pontife s’en allât à Saint-Domingue pour sacrer Dessalines. Quand une fois un homme de son rang et de son caractère oublie à ce point l’un et l’autre, ce qu’on doit souhaiter ensuite, c’est qu’il achève de se dégrader jusqu’à n’être plus qu’un polichinelle sans conséquence. »
    Voilà ce que la passion dictait à M. de Maistre en 1804. Nous doutons qu’aux yeux de tout homme de bon sens ces énormités soient rachetées par d’autres énormités qu’il a écrites plus tard en sens inverse.