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et des planètes, effectuées au nord et au midi de l’équateur, pouvaient donner, comme nous l’expliquerons plus loin, la distance de ces astres à la terre. Il était intéressant de déterminer la longueur du pendule à secondes et les variations de l’aiguille aimantée dans l’hémisphère méridional. Enfin la géographie pouvait s’enrichir de déterminations précises d’un grand nombre de points qui intéressent les navigateurs. Il restait sur ce terrain beaucoup à faire. La position du cap de Bonne-Espérance, quoique d’une importance capitale pour la route des Indes, était encore si peu fixée à cette époque, que les meilleurs géographes ne l’inscrivaient sur leurs cartes que d’après les routiers des pilotes, et qu’il existait sur la longitude de ce point une incertitude de cent lieues marines.

C’est ce cap que l’abbé Lacaille choisit pour but de son voyage. L’Académie et le gouvernement en avaient agréé le projet en 1750 ; restait à obtenir la permission des autorités hollandaises. Le marquis de Puysieulx fut chargé de remettre à l’ambassadeur de Hollande, Lestevenon van Berkenrode, un mémoire sur les travaux que Lacaille se proposait d’accomplir au Cap ; il s’y trouve un passage assez curieux pour être cité.

« Il n’y a, dit le mémoire, aucune dépense à faire pour la construction des instrumens ; elle consiste toute dans la traversée et dans la nourriture du sieur de La Caille seul pendant environ une année. Il n’a besoin d’aucun aide, d’aucun domestique ; il restera en pension dans le lieu que l’on lui indiquera ; la nature de ses observations n’exige qu’un séjour tranquille dans un même lieu, et tout lieu sera propre pour y établir ses instrumens. Les Hollandais, qui ont accordé à M. Krosieck la permission d’entretenir au Cap un astronome prussien[1] destiné à exécuter précisément le même projet dont il s’agit ici, ne peuvent raisonnablement la refuser au roi pour un astronome de son Académie, qui se tiendra exactement dans le lieu qu’on lui assignera, soit dans le fort, soit dans l’intérieur des terres, ce projet regardant d’ailleurs le bien commun de toutes les nations. »

La compagnie hollandaise des Indes se chargea complaisamment du transport des instrumens de Lacaille et de son passage au Cap. Il partit vers la fin de novembre 1750 et arriva au mois de janvier

  1. En 1705, le baron de Krosieck, conseiller privé du roi de Prusse, avait envoyé au Cap à ses frais l’astronome Pierre Kolbe « pour y faire toutes les observations possibles d’astronomie, de physique et d’histoire naturelle. » Kolbe y resta sept ans, occupé à fumer, à boire et à faire de la politique dans les cabarets. A son retour, il publia un gros livre sur la colonie du Cap. Lacaille l’avait lu ; arrivé sur les lieux, il put constater que les descriptions et les cartes de Kolbe avaient été faites d’imagination ; il n’y avait de vrai dans son livre que la couleur locale.