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la capitale de l’Inarya. Il s’y vit bientôt prisonnier d’un despote redouté de tous les tyranneaux voisins. Pendant des mois entiers, il ne put franchir l’enceinte du hameau, et se vit réduit à se renseigner sur les pays environnans par les récits des indigènes. Enfin une circonstance qui sera racontée plus loin lui permit de visiter Bonga, la capitale du roi de Kaffa, située par le 7° 15’ de latitude nord et le 34° de longitude est. Dans une seconde expédition qu’il fit dans le pays d’Inarya de 1845 à 1846 en compagnie de son frère, M. d’Abbadie découvrit dans la forêt de Babya, par le 7° 50’ de latitude, la source de la rivière Uma, l’un des principaux affluens du Nil ; les deux frères eurent le bonheur d’arborer le drapeau français sur cette source cherchée depuis neuf ans. Ils revinrent en Europe au commencement de 1849. Depuis cette époque, M. d’Abbadie s’est occupé de mettre en ordre ses observations, dont une partie seulement est publiée. Il a encore fait deux voyages, l’un en Norvège en 1851, l’autre en Espagne en 1860 ; tous les deux avaient pour but l’observation d’une éclipse totale de soleil.

M. d’Abbadie a fait à lui seul la carte d’un pays plus grand que la France ; il l’a faite malgré le climat, malgré les fatigues et les privations, malgré les bêtes fauves, malgré les chemins impraticables, et, qui plus est, malgré les habitans. Et cette carte de l’Ethiopie ne ressemble en rien à ces esquisses qui accompagnent ordinairement les relations de voyages en pays barbares. « Il ne s’agit pas ici, a dit M. Faye, autrefois professeur de géodésie à l’École polytechnique, il ne s’agit pas ici d’une série de documens curieux sur un pays exploré à la hâte, d’un journal de voyage dont les renseignemens topographiques, liés tant bien que mal par quelques observations faites de loin en loin au sextant ou à la boussole, permettent de tracer une carte que des voyages ultérieurs bouleverseront peut-être de fond en comble ; il s’agit d’une véritable et définitive description géodésique de l’Ethiopie, exécutée au prix de dix ans de travail, par des méthodes nouvelles, essentiellement scientifiques, et dont les bases valent, je crois, celles des cartes d’une partie de la France elle-même avant la révolution. »

Le pays relevé par M. d’Abbadie s’étend entre le 16e et le 6e degré de latitude nord, couvrant du sud au nord une étendue d’environ 1,000 kilomètres. Pour se rendre compte des dimensions de ce territoire, on peut remarquer qu’en superposant la carte d’Ethiopie à une carte de France on ferait coïncider le point le plus boréal, Muçawa, avec Calais, et le point le plus méridional, le mont Wosho, avec le village de Zuera, près Saragosse. La ville de Saka serait représentée par Bayonne, et Gondar, la capitale de l’Abyssinie, par Château-Gontier, en Bretagne, etc. Dans cette