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scientifique cette doctrine est susceptible de critique, car dans la pure science il n’y a ni alliance, ni coalition ; il y a simplement examen et discussion. Il s’agit de démontrer et non pas de vaincre ; mais peu de personnes en France, aussi bien dans le camp des novateurs que dans le camp opposé, considèrent la philosophie à ce point de vue purement abstrait, et M. Cousin n’a jamais eu de goût pour la métaphysique de cabinet.

Or la philosophie étant considérée comme un champ clos, et les luttes philosophiques étant plus ou moins assimilées en notre pays aux luttes politiques, il n’est pas étonnant de voir les adversaires de la veille devenir les alliés du lendemain. On s’allie par les points communs, on réserve les dissidences pour un autre temps. M. Cousin a cru dans les quinze dernières années de sa vie qu’un grand mouvement athée se préparait et se développait en Europe, et sa vive imagination, qui grossissait tous les objets, lui montrait sous les aspects les plus noirs l’avenir des idées religieuses et morales dans la société moderne. Contre ce flot grossissant de l’athéisme, il pensait que toutes les forces spiritualistes de la société devaient se coaliser. Or il n’y en a pas aujourd’hui de plus grande que celle de l’église : de là ses tentatives de rapprochement, qui ont été si critiquées et interprétées de la manière la plus malveillante. Au reste dans tous les temps, même au temps où il a été le plus suspect aux opinions catholiques, M. Cousin a toujours cru que la religion était un élément essentiel et indestructible de l’humanité, que le christianisme était la forme la plus haute et la plus profonde de la religion ; il a cru que, la philosophie n’ayant aucun moyen d’exercer sur les âmes l’action profonde et puissante du christianisme, il ne lui convenait pas d’attaquer ce qu’elle ne pouvait remplacer ; mais il voulait l’indépendance respective des deux puissances, et dans les dernières pages qu’il ait écrites et qui servent de conclusion à son Histoire générale de la Philosophie, il maintient encore avec fermeté la liberté de la philosophie à l’égard de la religion. Au reste ce problème, si facilement tranché par tant d’esprits vulgaires, est au nombre des plus difficiles et des plus compliqués que présente à la méditation l’état actuel du monde. Heureux ceux qui le résolvent d’autorité par l’affirmation ou la négation absolue, et qui, du sein de leur fière sécurité, proscrivent sans pitié les faiblesses de leurs semblables !

Je toucherai encore rapidement à un autre point délicat, qui a été, qui est encore, qui sera longtemps l’objet des plus vives critiques, mais qui a occupé une place si importante dans la vie philosophique de M. Cousin qu’il est nécessaire d’en dire un mot : je veux parler de l’organisation et du gouvernement de l’enseignement