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préoccupation dans ses écrits historiques était-elle d’atteindre à la parfaite simplicité et même à la nudité, en évitant la sécheresse. Le récit sévère, rapide, sobre, peu de portraits, peu de réflexions, point de ton oratoire, le tout cependant toujours animé : tel était le dernier idéal qu’il se faisait du style historique ; il s’y essaya avec succès dans son livre sur Mazarin.

Comme critique, il avait le goût grand ; il était surtout sensible aux beautés mâles et énergiques. Son poète de prédilection était Corneille et son prosateur Pascal. Il préférait le premier de beaucoup à Racine, et en tout il aimait mieux la manière franche, hardie de la première moitié du XVIIe siècle que l’art tout à fait classique de la seconde moitié. Cette hauteur et cette fermeté de goût qu’il appliquait aux grands écrivains de notre langue, il se l’appliquait à lui-même ; il se jugeait nettement, de haut et sans flatterie. A ceux qui lui vantaient son style comme une fidèle imitation du XVIIe siècle, « non, disait-il, je ne suis pas de ce temps, je suis de l’école de Jean-Jacques Rousseau. » Évidemment c’est avec Rousseau qu’il avait appris à écrire, quoique plus tard il ait retrempé sa plume dans la langue de Pascal et de Bossuet.

Parmi les plus vives passions de M. Cousin, il faut compter le plaisir de retoucher, de remanier, de compléter ses ouvrages. Que d’efforts à chaque nouvelle édition pour améliorer et perfectionner le détail du style, pour donner plus de relief, plus d’éclat au tour de la phrase, plus de lumière à la pensée ! Depuis longtemps, ayant épuisé tout ce qu’il avait à dire en philosophie, il ne s’occupait plus guère que de recorriger et de présenter ses écrits à la postérité sous la forme la plus parfaite. Il en avait deux qu’il avait particulièrement choisis comme devant donner la meilleure idée de lui-même à ceux qui viendraient après lui, du Vrai, du Beau et du Bien, admirable résumé sous forme oratoire et populaire de la philosophie spiritualiste, et l’Histoire générale de la Philosophie, description rapide et large de tous les systèmes. Il affectionnait particulièrement ce dernier livre, et avec raison. Avant de partir pour ce dernier voyage d’où il ne devait revenir que mort, il avait livré de ce livre une septième édition, et cependant, à peine arrivé à Cannes, déjà il pensait à en préparer une huitième. Il écrivit quelques pages nouvelles sur la philosophie des pères de l’église, qui seront ajoutées à la prochaine édition, et, assisté de son fidèle ami M. Barthélémy Saint-Hilaire, il commença la révision des premiers chapitres. Le matin même de sa mort, il y travaillait encore, et ses leçons sur la scolastique et sur Locke portent les traces de ses dernières corrections.

Il me resterait en terminant, après avoir parlé du professeur, du