Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/764

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riables et successives des circonstances, d’aboucher les organes du pouvoir avec les représentans du pays. Ici encore nous faisons toujours les choses à la française, c’est-à-dire un peu dans le vague, dans l’artificiel, dans la réglementation arbitraire. Qu’est-ce que le droit d’interpellation ? quelles en sont l’origine logique et la conclusion pratique ? L’expérience des autres peuples ne nous fournit aucune instruction sur le procédé que nous allons introduire parmi nous. Il n’y a rien en Angleterre qui ressemble à l’interpellation réglementée qu’on nous annonce. Il y a dans les chambres anglaises l’usage des questions adressées aux ministres au début des séances, pour obtenir des éclaircissemens sur des faits particuliers qui intéressent le public. On demande au ministre des affaires étrangères la confirmation ou le démenti de telle nouvelle extérieure publiée par les journaux, on réclame du chancelier de l’échiquier la communication de tel document statistique nécessaire à une discussion financière, on interroge le ministre de l’intérieur sur tel incident local survenu ; de même pour les autres ministres selon les départemens qu’ils dirigent. Ces petites conversations, bornées à des explications de faits ne déviant jamais jusqu’à la discussion, sont très intéressantes pour le public qu’elles servent à informer et très utiles à la régularité du travail intérieur des chambres. Cette liberté d’allures, cette familiarité entre les ministres et les députés mériteraient bien d’être imitées chez nous ; mais tel n’est point l’objet du droit d’interpellation dont on parle aujourd’hui. En Angleterre, l’interpellation s’exerce à la faveur du droit d’initiative dont les mandataires du pays sont investis. Les formes des chambres anglaises n’admettent point qu’une interpellation reste dans le vide, elles supposent qu’il doit toujours y avoir au bout une proposition soumise à la chambre. Pour interpeller en Angleterre, on annonce donc la présentation d’une motion que l’on retire la plupart du temps après qu’on a obtenu les explications nécessaires. Du reste aucune limite n’est opposée au droit d’initiative des membres des chambres ; les motions arrivent à la discussion à leur rang et à leur date ; pour la commodité des ministres et de la chambre des communes, on a même, dans ces dernières années, réservé des jours particuliers pour les motions d’initiative parlementaire. Il y a les jours du gouvernement et les jours des membres de la chambre. Voilà ce que l’expérience et le mutuel concours du gouvernement et des chambres pour la libre et bonne expédition des affaires ont fait en Angleterre du droit d’interpellation. On voit tout de suite quelles vont être les différences du système français. Chez nous, l’interpellation sera à la fois un acte plus solennel dans ses formes et moins positif dans ses résultats. Elle sera soumise à l’autorisation préalable d’un certain nombre de bureaux de la chambre : cette restriction limitative donnera plus d’ampleur et d’importance aux débats qui suivront l’interpellation autorisée. On a présenté des objections à la forme sous laquelle cette nouvelle procédure est instituée. On a exprimé la crainte que le gouvernement ne pût user de son influence sur la majorité