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où la fantaisie s’ébat, au gré du caprice et de la préoccupation passagère, sur les sujets les plus variés, arts, mythologie, portraits historiques, y ont gagné de ne pas vieillir. Réunis pour la première fois en volume, quelques-uns de ces morceaux, fils du hasard et de l’occasion, obtiennent dans un public d’élite un succès que nous comprenons. Cette parure savante qui renouvelle la pensée et lui donne un relief étrange, cette décoration pompeuse qui embellit le lieu commun, tous ces jeux de la fantaisie donnent aux yeux de l’esprit une fête perpétuelle qui n’est pas à dédaigner. Il s’y mêle assez d’aperçus ingénieux, de traits précieusement recueillis dans de vieux livres qu’on ne lit guère, pour éveiller et amuser l’imagination. Tous ces morceaux si divers par le sujet sont reliés par un même sentiment de la forme plastique, qu’on retrouve au plus, haut degré jusque dans le style de l’auteur, et qui domine tous ses jugemens. A propos de la coutume des embaumemens chez les Égyptiens. Il dit quelque part : « Cette gauche parodie de la vie révolte l’intelligence, cette factice perpétuité du corps semble nier l’immortalité. Je crois voir les ailes de l’âme s’empêtrer dans cette glu d’aromates ; je crois la voir mise sous les scellés de ces ligatures ! Comment une chose si légère laisserait-elle après elle cette lourde dépouille ? Mieux vaut mille fois l’anéantissement de la forme humaine qu’une conservation si artificielle et si laide. »

Il dit ailleurs en parlant de Henri III : « La mascarade était le fond et la forme de : ce curieux personnage. Il déguisait à la fois son corps et son âme, son sexe et sa pensée. Il faussait son sourire, il fardait son visage, il parjurait sa parole, il parodiait son rang. Toutes les duplicités et toutes les astuces de la politique florentine s’étaient incarnées et fixées en lui. D’année en année, sa nature s’efféminait, son caractère tombait en enfance. Il jouait au bilboquet, il découpait des miniatures, pleurant comme un enfant quand ses ciseaux avaient effleuré l’image. Son hermaphrodisme croissant s’accusait par les métamorphoses d’un costume qui changeait lentement de sexe… »

Les rapprochemens d’images et de mots les plus inattendus, la métaphore bizarre marquant, comme un balancier, l’idée d’une empreinte ferme et fine, tel est le procédé de M. Paul de Saint-Victor. Il a écrit sur l’étiquette de la cour d’Espagne et sur le roi Charles II un morceau de soixante ou quatre-vingts pages ; c’est de beaucoup le plus long de tous ceux qui sont contenus dans le volume. Tous les autres ne dépassent pas la proportion d’un feuilleton, et nous ne croyons pas que la manière de M. de Saint-Victor comporte un cadre beaucoup plus large. Il est presque grand artiste dans le petit. Il prend la poésie toute faite, comme un métal brut, puis il la creuse, il la grave, il la ciselle, il la pare avec l’art le plus patient. Il nous semble, tant le fond est chez lui subordonné à la forme, que son culte pour celle-ci touche à la superstition et, qu’on nous passe le mot, à la puérilité. On dirait que le style est pour lui un dieu jaloux qui ne veut