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de sa mère, des droits sur les beaux duchés rhénans de Clèves et de Juliers. Ils furent l’occasion d’une longue lutte avec les électeurs palatins, qui vint se perdre dans celles bien plus terribles de la guerre de trente ans. Pendant cette époque de désolation pour l’Allemagne, George-Guillaume, dixième électeur, s’efforça de rester neutre ; mais il ne fit qu’attirer sur ses états les dévastations des demi partis autrichien et suédois, catholique et protestant. En 1640, à ce prince incapable succéda son fils Frédéric-Guillaume, qui mérita le titre de grand-électeur. Il sut donner à son électoral qui n’avait alors qu’un million d’habitans, toute l’importance d’un état de premier ordre. Il trouva son pays dévasté par les effroyables exterminations de la guerre de trente ans. La population décimée était réduite à la misère. Gustave-Adolphe et ses Suédois avaient sauvé la réforme, que sans eux l’empereur Ferdinand et Maximilien de Bavière, obéissant à leurs confesseurs jésuites, auraient noyée dans le sang ; mais ils avaient pillé sans miséricorde le Brandebourg, qui avait entravé leur œuvre de délivrance. Frédéric-Guillaume s’applique d’abord à réunir quelque argent, puis à se former une armée. Il parvient à s’en créer une de 25,000 hommes, admirablement équipée, disciplinée, très régulièrement payée, chose rare en ce temps de misère universelle. Elle était ainsi bien à lui, toujours prête à obéir. C’était alors une force respectable avec laquelle il fallait compter. Aussi à la paix de Westphalie (1648) obtint-il une grande partie de la Poméranie, les trois évêchés sécularisés de Magdebourg, Halberstadt et Minden, enfin le duché de Clèves, qui lui fit passer le Rhin : c’était un agrandissement considérable.

Le grand-duché de Prusse restait toujours vassal de la Pologne. Voici comment l’électeur parvint à l’émanciper. Il s’allie à Charles-Gustave de Suède contre Jean-Casimir de Pologne, et prend part à la furieuse bataille de Varsovie, qui dura trois jours consécutifs, et où la brillante chevalerie polonaise fut complètement battue. Il renonce alors à poursuivre ses avantages à la condition que son duché sera désormais affranchi de tout lien de vasselage. Sans se laisser enivrer par ses succès militaires, il s’applique avec la même énergie aux travaux de la paix. L’agriculture surtout attire son attention ; il ouvre des routes nouvelles, endigue les rivières, toujours débordées dans ce pays humide, creuse des canaux, entre autres celui qui porte son nom et qui réunit la Sprée à l’Oder ; enfin il appelle des colonies de cultivateurs pour mettre en valeur les cantons déserts et sablonneux. C’est ainsi qu’il accueillit les réfugiés de l’édit de Nantes au nombre de 25,000, gens actifs, intelligens et d’une forte trempe morale, puisqu’ils sacrifiaient le repos, la