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l’armée active, et qui occupaient les places que celle-ci abandonnait successivement dans son mouvement offensif. Ils sont entrés ainsi d’abord en Saxe, puis en Bohême, et, quand la paix de Nikolsburg a été signée, ils quittaient Prague pour marcher sur Vienne. Partout où ils ont été au feu, ils se sont distingués. Cinq bataillons de landwehr ont pris part au combat de Langensalza contre les Hanovriens. Les Prussiens, au nombre de 6,000 contre 20,000, furent obligés de reculer ; mais les hommes de la milice couvrirent la retraite avec la plus grande fermeté, et en perdant une partie de leur effectif[1]. Au lieu du fusil à aiguille, ils n’avaient que la carabine Minié. En Moravie, au combat de Tobitschau, un régiment de cavalerie de la landwehr mit en déroute un corps de cavalerie autrichienne d’une force supérieure, et l’armée qui fut dirigée de Leipzig sur la Bavière était aussi en grande partie composée d’hommes de cette milice. Quoique la rapidité des événemens n’ait pas permis à la landwehr de jouer un rôle très actif sur les champs de bataille, on peut affirmer que c’est à elle que la Prusse doit en grande partie ses succès, car sans cet appui la ligne n’aurait pu ni réunir ni engager toutes ses forces au moment décisif. Ce qui a permis aux généraux prussiens de pousser jusque sous les murs de Vienne avec tant de rapidité et de hardiesse des masses de troupes si considérables, c’est qu’ils avaient derrière eux une seconde armée qui les suivait pas à pas, et qu’ils auraient eue sous la main en cas de revers. En outre des bataillons de landwehr occupaient toutes les places fortes depuis la Silésie jusqu’à Luxembourg. En ajoutant l’effectif du premier et du second ban à celui de la ligne, on arrive à un total d’environ 700,000 hommes. Quand l’armistice de Nikolsburg fut signé, la Prusse n’avait pas eu le temps de déployer toutes ses forces, mais il paraît certain qu’elle avait bien près de 600,000 hommes sous les armes. Les nouvelles annexions, comptant environ 4 millions 1/2 d’habitans, porteront l’armée prussienne à 850,000

  1. On raconte à ce sujet quelques épisodes qui prouvent que la landwehr valait la ligne. Pendant la retraite, le bataillon de Potsdam, du 20e régiment, se vit entouré de masses de cavalerie hanovrienne. Aussitôt le carré se forme. Le général ennemi les engage à se rendre pour éviter de verser inutilement du sang. Les hommes eux-mêmes répondent, se souvenant peut-être d’un mot célèbre : « La landwehr de Berlin ne se rendra pas ; elle défendra le drapeau. » Les escadrons s’élancent sur eux au grand galop. N’oubliant pas les instructions qu’on leur a données et que les officiers leur répètent, ils visent avec sang-froid, comme au tir à la cible, attendent que les cavaliers soient à vingt pas, et abattent, dès la première salve, un si grand nombre de chevaux que ceux-ci forment autour d’eux une sorte de rempart qui arrête l’élan des autres. Ils se retirèrent ainsi du champ de bataille sans que l’ennemi parvint à rompre le carré, mais non sans d’énormes pertes. On cite une compagnie qui sur 145 hommes en perdit 115.