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dans sa loyale nature. La fausseté, l’hypocrisie, lui étaient antipathiques. Il assurait même gaîment qu’il ne pourrait pas être infidèle à une femme sans le lui dire, parce que l’infidélité avouée n’est plus une tromperie. Massimo d’Azeglio n’admettait pas que la fraude pût servir, ou même, quand elle avait une apparence d’utilité, qu’on pût l’employer. Il avait pour la vérité ce beau culte de ceux qui sont nés avec un instinct droit et juste, et il a pu sans jactance dire de lui-même : « Depuis une quarantaine d’années, je crois avoir été un des hommes de l’Europe qui ont dit le moins de mensonges, y compris le temps où j’ai été ministre et diplomate, métiers où plus que dans les autres il est important de n’en pas dire, bien qu’on croie précisément le contraire. » C’est ce qui explique aussi la religion de d’Azeglio, religion d’honnête homme sincère avec lui-même, de galant homme qui avait vu beaucoup de choses, qui avait longtemps vécu à Rome, et qui avait fini par en arriver à cette conclusion, à laquelle il revenait toujours dans ses disputes affectueusement vives avec son frère le jésuite, le père Taparelli : « on ne croit pas ce qu’on veut, on croit ce qu’on peut. » Chrétien et même catholique d’âme et de cœur, d’instinct, d’imagination, d’Azeglio l’était certainement comme la plupart des Italiens ; il ne croyait plus au gouvernement temporel, il ne croyait pas à une action sérieuse, efficace de l’église sans une profonde réforme morale dont il crut un instant voir l’aurore dans les premiers temps du règne de Pie IX.

La politique chez d’Azeglio était l’émanation du caractère ; elle s’identifiait avec l’homme. Massimo d’Azeglio a été certainement un des Italiens de ce temps qui ont aimé avec le plus de vivacité, avec le plus de sincérité et de désintéressement l’Italie et la liberté ; mais en même temps c’était le moins conspirateur des hommes. Il n’admettait que la conspiration au grand jour. Sa loyauté naturelle répugnait aux sociétés secrètes, aux sectes, dont il ne fut jamais. L’habitude des combinaisons occultes, selon lui, avilissait un peuple et conduisait à ces insurrections périodiques qui ne faisaient que raviver et exaspérer l’oppression sans la vaincre. Dans sa pensée, la seule politique pour l’Italie était premièrement de s’affirmer sans cesse par l’affranchissement intérieur de l’âme et de l’esprit, par la résistance passive, par la force morale. « La résistance passive, dit-il, n’offre pas les accidens animés, splendides, passionnés, des agressions révolutionnaires. Elle ne sera jamais choisie par la partie jeune de la société, surtout chez nos races méridionales, parce qu’elle exige une trempe inflexible, parce qu’elle suppose des caractères ; mais qu’on dise vrai : quelle est la chose la plus difficile, — assaillir une redoute, une barricade, passer à travers les balles et les