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les femmes, avaient irrité les habitans de Tarangulé. Il était fort à craindre qu’ils ne se révoltassent contre cette poignée de malfaiteurs et ne finissent par les écraser de leur nombre. Baker était inquiet ; il voyait la corde se tendre chaque jour davantage, et, malgré le soin qu’il avait pris de séparer sa cause de celle d’Ibrahim, il craignait d’être quelque jour enveloppé dans la querelle. Sur ces entrefaites arriva un messager envoyé par le chef d’Obbo, pays situé au sud-ouest du Latouka ; il lui apportait des présens ainsi qu’à Ibrahim, et les invitait tous deux de la part de son maître à venir s’établir dans sa ville. Le facteur de Courshid saisit cette occasion pour quitter une contrée où il se trouvait mal à l’aise, et pour placer le centre de ses opérations à Obbo. Au fond, cette résolution ne déplaisait pas à Baker, puisque le pays où il allait était précisément dans la direction qu’il devait suivre pour arriver au lac Louta-N’zigé ; mais le moment était mal choisi. On était au cœur de la saison pluvieuse. Mme Baker était malade, lui-même avait la fièvre intermittente. Cependant il ne pouvait songer un instant à rester dans le Latouka après le départ d’Ibrahim. Sa propre escorte, composée de treize individus, était trop faible pour le protéger contre une tribu malintentionnée. Il fallut donc se résigner à partir. Il avait perdu trois chameaux, sept ânes et deux chevaux. Il dut suppléer au manque de bêtes de somme en réclamant cinquante porteurs. Il convertit pour sa femme un de ses lits de camp en un palanquin porté par quatre hommes. Les préparatifs achevés, la caravane, composée de trois cents personnes, se forma sur une seule ligne, et se mit en route le 23 juin 1863.


IV.

Nos voyageurs mirent neuf jours à franchir les 80 kilomètres qui les séparaient de la localité où ils allaient planter leurs tentes. Les pays qu’ils traversèrent présentaient les aspects les plus variés. Le sol était riche et couvert d’une végétation exubérante ; une large crête de collines et de vallées offrait aux yeux des paysages toujours nouveaux et souvent pittoresques ; plusieurs de ces collines avaient jusqu’à sept cents pieds de hauteur. Quelquefois des sentiers en spirale ou en zigzag bien ombragés en adoucissaient agréablement les pentes, mais le plus souvent il fallait les escalader en ligne droite par des chemins rocailleux, glissans, ravinés, où bêtes et hommes pouvaient à peine se tenir debout.

Le 1er juillet 1863, la caravane arrivait à Obbo, situé sous le 4° 2′ de latitude nord et le 30° 10′ de longitude est. L’altitude de cette localité est de 3,674 pieds au-dessus du niveau de la mer, et la température moyenne de la contrée est de 24° centigrades.