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avaient. La mécanique résume ces faits dans cet énoncé commun : « tout objet qui possède une vitesse dans un sens la garde, lors même que les objets voisins la perdraient, et il la conserve indéfiniment, à moins que des résistances étrangères ne viennent la détruire. »

Faisons tout de suite l’application de ce principe ; imaginons un ballon s’élevant de très peu au-dessus de Paris dans un air calme. Il possède au départ la vitesse qui emporte la terre vers l’est ; il la conserve, et il demeure invariablement au-dessus du point de départ, faisant comme Paris un tour en 24 heures. Si le mouvement de la terre venait à se ralentir, le ballon dépasserait la terre, il irait vers l’est, vers Strasbourg. Si au contraire la vitesse du sol croissait, l’aéronaute resterait en arrière, comme s’il reculait vers l’ouest, dans la direction de Brest.

Or, si les différens points du globe font tous un tour en 24 heures, ils font des tours très inégaux. Le pôle nord ne fait que pirouetter sur lui-même ; à 80 degrés de latitude, un objet décrit un cercle très petit avec une vitesse de 70 lieues ; cette vitesse augmente à mesure qu’on s’éloigne du pôle : elle est de 250 lieues à Paris, de 370 à Mexico et de 400 à l’équateur. Pour voir la terre se ralentir, il suffit d’aller vers le nord ; alors le ballon incline à l’est, il se fraie un chemin entre le nord et l’est, c’est-à-dire au nord-est. Pour que la terre accélère son mouvement, il faut se diriger vers le sud. Dans ce cas, le ballon recule à l’ouest et marche au sud-ouest. Partant de Paris, il passe à Bordeaux, à Lisbonne, aux Açores et au Mexique. Ce qui arriverait à ce ballon imaginaire arrive réellement à l’air atmosphérique, et nous sommes amenés à énoncer avec Halley cette loi fondamentale : le courant polaire tend à obliquer vers l’ouest et souffle du nord-est, le courant équatorial dévie vers l’est et souffle du sud-ouest.

Mais si elle explique comment les alizés des deux hémisphères sont entraînés vers l’ouest, la théorie d’Halley exige que, dans notre hémisphère, le courant équatorial ou contre-alizé souffle du sud-ouest dans les étages supérieurs de l’air. Un événement curieux et bien fortuit en a donné la première démonstration. Le 1er mai 1812, un volcan de l’île Saint-Vincent, le Morne-Garou, après de formidables détonations, commença de lancer une quantité considérable de cendres. À ce moment, l’alizé était dans toute sa force, et comme il venait du nord-est, il devait chasser les cendres dans l’ouest, ce qui arrivai en effet. Les Barbades, qui sont à 100 milles dans l’est du volcan, ne devaient point en recevoir, puisqu’elles sont dans une direction exactement opposée à celle du vent. Néanmoins le ciel se couvrit à l’est de ces îles, l’obscurité devint si complète