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tenter l’escalade avant d’avoir pratiqué une brèche. Il fallut donc faire en règle le siège de la place ; Toutefois le général Perowski essaya d’intimider les Ozbegs par de formidables décharges d’artillerie, puis il leur envoya un message pour les sommer de capituler. « Ak-Mesdjed est déjà en mon pouvoir, leur disait-il, quoique vous l’occupiez encore. Nous ne sommes pas venus ici pour une semaine ou seulement une année, mais pour y demeurer toujours. Si vous tenez à la vie, rendez-vous ; si vous aimez mieux succomber dans une lutte inutile, vous en êtes les maîtres. Sachez seulement que je ne veux pas vous offrir le combat en rase campagne, mais que je vous écraserai sous les boulets jusqu’à ce que vous ouvriez vos portes. »

Ces paroles, dans lesquelles la menace et un ton de confiance absolue pouvaient bien dissimuler un certain fonds d’inquiétude, restèrent sans effet sur les Kokandiens ; en abandonnant Ak-Mesdjed, ils renonçaient à la domination du Syr-Daria et ouvraient l’Asie centrale aux Européens. Ils répondirent qu’ils combattraient les ennemis de leur indépendance aussi longtemps qu’il leur resterait une lance ou un fusil. Le bombardement recommença donc avec une nouvelle fureur ; les Russes traversèrent au moyen d’une sape couverte le fossé qui entourait la citadelle et creusèrent une mine sous la principale tour, qu’ils firent sauter le 27 juillet. En s’écroulant, la massive construction d’argile remplit l’air de tourbillons d’une poussière suffocante ; des cris de douleur et d’effroi retentirent dans la forteresse ; ils étaient poussés par les femmes et les enfans des assiégés, qui voyaient avec désespoir tomber les remparts qu’ils avaient crus imprenables. Une brèche large de 20 mètres ouvrait aux Russes l’accès de la place ; mais les Kokandiens s’y étaient déjà précipités pour leur disputer le passage : la garnison, bien qu’elle eût perdu son chef, combattit avec un grand courage ; sur trois cents hommes qui la composaient, deux cent trente périrent en défendant le terrain pied à pied. Une quantité considérable d’armes et de munitions tomba entre les mains des vainqueurs, qui, en mémoire de ce succès, donnèrent à la forteresse le nom de Perowski.

La prise d’Ak-Mesdjed portait un coup fatal à la puissance du Kokand, et l’on devait s’attendre à le voir tenter les plus énergiques efforts pour recouvrer cette place. Aussi les Russes, loin de pousser plus avant leurs conquêtes, employèrent les mois suivans à s’affermir dans les positions qu’ils occupaient le long du Syr-Daria. Deux forts établis, l’un sur le delta formé par la petite rivière Casala, l’autre à Karmakchi, relièrent Aralsk à la citadelle Perowski, dans laquelle on eut soin de laisser mille hommes avec