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exemple bien saisissant, les conséquences de la politique d’agglomération des grands états si imprudemment préconisée. La Hollande est, parmi les petits états de l’Europe, un des plus originaux, des mieux façonnés par l’histoire, des mieux déterminés par les intérêts. La Hollande, avec sa population empreinte d’un génie si particulier, occupe une position géographique d’une importance exceptionnelle. Cette position fait envie à l’Allemagne à mesure que celle-ci, concentrant ses ressources et ses forces intérieures, éprouve le besoin de s’épandre au dehors. La Hollande possède les embouchures des grands fleuves de l’Allemagne occidentale ; la nation germanique est la race qui a, si l’on peut s’exprimer ainsi, la plus grande puissance d’émigration, et la Hollande conserve encore d’immenses et prospères colonies. Avec les ressources de marine et les débouchés coloniaux de la Hollande, l’Allemagne prussianisée aurait de quoi satisfaire ses appétits de grandeur maritime et de colonisation. L’influence d’intérêts semblables, la tentation du voisinage, inspirent au génie allemand des convoitises bien naturelles à l’endroit de la Hollande. Ces convoitises ne paraissent point être entrées encore dans les conseils des gouvernemens, mais elles se font jour dans des aspirations hardies de l’opinion publique. Nous vivons à une époque où ce qui semble utopique est souvent bien près de devenir réel. Si la presse allemande affecte des allures menaçantes envers les intérêts néerlandais, ceux-ci ont bien le droit de prendre l’alarme sans être accusés de pusillanimité absurde. Or des journaux allemands, et des plus considérables, ont pris plaisir, dans ces derniers temps, à tancer et à effrayer le peuple néerlandais. La Gazette de la Croix par exemple poursuivait naguère la Hollande de sarcasmes et de paroles d’intimidation. Un article de ce journal, semblable à un manifeste, a provoqué une remarquable réponse de la part de M. Groeh van Prinsterer, le chef du vieux parti conservateur et protestant, tout ému de rencontrer des sentimens si hostiles chez ses amis de Berlin. La brochure la Prusse et les Pays-Bas est une protestation énergique et digne du patriotisme hollandais contre l’humeur envahissante de la Prusse. La Gazette de la Croix accuse les Hollandais de porter à la Prusse une haine violente. Elle méprise leur libéralisme constitutionnel ; elle leur reproche d’être jaloux de la concurrence que vont lui susciter le commerce et la marine prussiens. Elle témoigne enfin l’espoir dédaigneux que « le peuple néerlandais reconnaîtra bientôt son erreur, et comprendra que l’alliance la plus intime avec la Prusse est pour lui le seul moyen de sauver ce qui lui reste encore de son précieux patrimoine national. » On comprend que la Hollande s’offense et s’inquiète d’être traitée de la sorte, qu’elle redoute que les déclamations prussiennes ne lui préparent le même sort qu’au Danemark.

La controverse ne suffit point à dissiper de tels soucis. M. Groen van Prinsterer a beau rappeler tous les motifs qui doivent porter la Hollande à une amitié naturelle avec la Prusse ; il a beau dire que les Prussiens