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le duc de Bourbon, lorsqu’il aurait pris des arrangemens certains avec le pape, à conduire son armée sur les terres des Vénitiens pour l’y faire vivre à leurs dépens, jusqu’à ce qu’ils acceptassent les conditions qu’il leur imposait. Son intention était de contraindre ainsi un à un les confédérés à se soumettre, et, après avoir isolé le roi de France, de le tenir à sa discrétion.

L’empereur n’avait pas tardé à connaître la fin tragique du duc de Bourbon. Il lui donna des regrets publics, et pendant cinq jours il prescrivit en son honneur des services religieux auxquels il assista lui-même[1]. Il avait appris ensuite le pillage sanglant de Rome, la capitulation contrainte de Clément VII dans le château Saint-Ange et sa captivité prolongée. Ces événemens inouis avaient répandu beaucoup d’affliction parmi les catholiques espagnols. Il affecta de s’en montrer attristé[2]. Il fit suspendre les fêtes alors célébrées pour l’heureuse naissance du fils que lui avait donné l’impératrice le 21 mai, et qui fut son successeur, Philippe II[3]. Redoutant l’effet produit dans le monde par le sac de Rome et la détention du pape, il s’en justifia en les attribuant à l’inimitié ingrate de Clément VII et à l’animosité opiniâtre de François Ier, qui avait enfreint tous ses engagemens envers lui.

Dans une lettre qu’il adressa aux princes chrétiens, il dit qu’il n’avait pas cessé d’être favorable à l’église romaine jusqu’à la partialité; qu’il avait mieux aimé, lorsqu’il était en Allemagne, s’exposer au déplaisir des Allemands, qui lui exprimaient envers elle leurs justes doléances en le suppliant d’y porter remède, que d’affaiblir l’autorité des souverains pontifes; que plus récemment, pour la paix et le bien universel de la république chrétienne, il avait délivré le roi de France sans se venger de ses injures et sans recouvrer tout ce qui avait été usurpé sur lui; que le très saint père Clément VII, se laissant tromper par quelques méchans personnages qui étaient autour de lui, au lieu de conserver la paix en bon pasteur, avait suscité une nouvelle guerre dans la chrétienté; qu’il avait, avec d’autres potentats italiens et le roi de France, à peine sorti de prison, fait une ligue pour chasser son armée d’Italie et lui enlever son royaume de Naples. il ajoutait qu’il n’avait rien omis pour éviter ce qui était survenu, qu’il avait donné au pape des avertissemens dont le pape

  1. « Esequie molto onorate si fecero per la morto del duca, le quali duravono cinque giorni, coll’ intervento di sua maestà. » Della vita e delle opero di Andrea Navagero par Cicogna d’après ses dépêches, p. 197. — Vistiose el emperador de luto : mando que se le hiziessen al duque unas solennissimas honras a las quales se hallo su magestad. Sandoval, t. I, lib. XVI, § XII, p. 823.
  2. « Ma venuta la nuova che il papa era prigione, non fu alcuno che non ne sentisse displacere. Cesare stesso monstrandone rammarico, etc. » Ibid.
  3. Ibid., et Sandoval p. 823