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que, si sa sainteté avait l’intention de nous nuire, elle n’en ait pas le moyen, afin que nous ne soyons pas toujours payé d’ingratitude et que nous ne soyons pas exposé à des dommages pour le bien que nous lui avons fait, comme l’a prouvé l’expérience du passé[1]. » Il voulait donc que Clément VII, pour sortir de captivité et reprendre l’exercice du souverain pontificat, donnât des gages de sa future amitié, et fournît les sommes qu’exigeait l’armée impériale afin qu’elle quittât les états de l’église et pût remonter en Lombardie, où son assistance était nécessaire.


IV.

Pendant que la guerre se poursuivait avec succès en Italie contre Charles-Quint, et qu’allait s’y négocier la délivrance de Clément VII, rendue fort tardive à opérer par des conditions très difficiles à remplir, les deux rois de France et d’Angleterre, non contens des traités déjà conclus entre eux, s’unissaient encore davantage et pourvoyaient au gouvernement de l’église, que la captivité du souverain pontife pouvait mettre à la merci de l’empereur. C’est pour ce double objet que le cardinal d’York vint s’aboucher avec François Ier à Amiens. Il devait entamer aussi l’affaire secrète[2] qui intéressait par-dessus tout le passionné Henri VIII en préparant les voies au divorce avec Catherine d’Aragon pour arriver ensuite au mariage avec Anne Boleyn. Le superbe et habile cardinal était alors au comble de l’élévation, et disposait de toute la puissance du roi son maître. Il partit d’Angleterre dans le plus fastueux appareil. Douze cents seigneurs ou gentilshommes revêtus de justaucorps de velours à sa livrée l’accompagnaient à cheval. Les mules et les chariots de son train, que gardaient une troupe d’archers et de hallebardiers, le devançaient d’assez loin. Son manteau écarlate richement brodé d’or et sa masse étaient portés par deux gentilshommes tête nue, que suivaient, la tête également découverte, deux prêtres, dont l’un tenait le sceau de Wolsey et l’autre son chapeau de cardinal. Lui-même, dans un costume éclatant, et monté sur une mule couverte de velours cramoisi, s’avançait pompeusement, précédé de ses grandes crosses et de ses croix d’argent qu’on élevait devant lui. C’est ainsi qu’il traversa Londres et se rendit à Douvres, où il s’embarqua pour la France. Arrivé à Calais le 11 juillet, il y passa quelque temps. Ministre et lieutenant--

  1. Instruction de l’empereur à Pierre de Veyre, baron de Saint-Vincent, envoyé auprès du pape et du vice-roi, d’après les conseils duquel il doit agir en toutes choses. Juillet 1527. — Dans Bucholtz, vol. III, p. 97.
  2. Lettre de Wolsey à Henri VIII, du 29 juillet 1527. — State Papers, t. Ier, p. 230 et 232.