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tife, il pût tirer ses troupes des états de l’église et s’en servir pour la défense des siens.

L’accord, tel que l’entendait Charles-Quint et que l’armée voulait l’imposer au pape, n’était pas facile à conclure. A l’empereur il fallait des sûretés, à l’armée de l’argent. Cet argent que le pape n’était pas en mesure de se procurer, les soldats espagnols et allemands, aussi impérieux qu’avides, l’exigeaient sur-le-champ. Après avoir parcouru les environs ravagés de Rome, les lansquenets surtout étaient rentrés dans la malheureuse ville mise si longtemps à sac, et ils menaçaient de la brûler et de quitter même le service de l’empereur, si on ne les satisfaisait pas tout de suite. Les otages pontificaux qu’ils avaient enchaînés deux à deux, le dataire Giberto, évêque de Vérone, avec A. Pucci, évêque de Pistoja, — l’archevêque de Siponte Jean-Marie de Sansovino avec l’archevêque de Pise, Onofrio Bartholino, — Jacobo Salviati, père du cardinal Salviati, avec Laurent Ridolfi, frère du cardinal Ridolfi, furent soumis aux plus ignominieux traitemens[1] pour leur arracher les sommes de jour en jour grossies qu’ils étaient dans l’impossibilité de fournir.

Le cardinal Pompeio Colonna, dans le palais duquel les otages étaient enfermés quand on ne les traînait point sur le Campo di Fiore, s’entremit bien des fois auprès des lansquenets, qui l’avaient en grande faveur, et qu’il s’efforça d’apaiser. Ennemi longtemps implacable de Clément VII, Pompeio Colonna, après avoir présidé au premier sac du Vatican et du Borgo, et après être accouru pour assister au second, deux fois témoin de l’humiliation du pape et de la désolation de Rome, était revenu à d’autres sentimens. A la vue de l’abaissement si profond du souverain pontife, au spectacle des maux qui accablaient Rome, où sa maison tenait depuis tant de siècles une si grande place, il se trouva trop vengé. Il alla au château Saint-Ange se jeter aux pieds du pape et les baiser. Clément VII le releva et l’embrassa[2]. Ils pleurèrent ensemble sur les malheurs de Rome et du saint-siège, et leur réconciliation s’acheva dans les témoignages de cette commune douleur. Clément VII parut oublier toutes les offenses qu’il avait reçues. Il intéressa l’âme violente, mais altière du cardinal et sa vanité généreuse au rétablissement du pontife dans sa liberté et de la papauté dans sa puissance. Il lui laissa espérer la riche légation d’Ancône[3]. Pompeio Colonna travailla de son mieux à faciliter la délivrance de Clément VII et à sauver

  1. Dépêche de Perez à l’empereur, écrite de Rome le 12 octobre. — Ms. Béthune, vol. 8547, f° 30, etc.
  2. « Fue el cardenal Coluna a besar el pie al papa... y su santitad le abraço y beso en ambos carrellos mostrando alegria de verle. » — Ibid., et Paolo Giovio, Vita di Pompeio Colonna.
  3. Guicciardini,lib. XVIII. — Paol. Giovio, Ibid.