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guerre à l’empereur sur le progrès du Grand-Turc, qui avait pris l’île de Rhodes, l’un des principaux boulevards de la chrétienté, s’était emparé de Belgrade, et avait envahi une partie de la Hongrie; sur le sac de Rome, où, était-il dit à l’empereur, la personne de notre saint-père le pape a été retenue prisonnière par votre armée, les cardirlaux pris et mis à rançon, les églises pillées, les évêques, prêtres et gens de religion mis à l’épée, et tant de maux faits, de cruautés et inhumanités commises que l’air et la terre en restaient infectés; sur les instances inutiles qu’il lui avait adressées pour qu’il s’accordât avec le roi très chrétien et délivrât ses fils en acceptant les offres raisonnables qu’il avait reçues; sur la violation des engagemens qu’il avait contractés envers lui, à qui d’ailleurs il ne payait pas ce qu’il devait. « Aussi, était-il ajouté, le roi veut mettre peine de vous contraindre par force et puissance d’armes de délivrer notre saint-père, pareillement les enfans de France, en vous payant raisonnable rançon, et satisfaire à vos dettes envers lui. »

Charles-Quint montra plus de ménagemens pour Henri VIII qu’il n’en avait eu dans ses paroles pour François Ier. Il répondit que le roi d’Angleterre était mal instruit de ce qui s’était passé, que jamais il n’avait consenti à la détention du pape, aujourd’hui redevenu libre; qu’il avait déplaisir des maux commis sans qu’il y fût pour rien; qu’il avait été prêt à entendre aux moyens pour la délivrance des enfans du roi de France, et qu’il n’avait pas tenu à lui que la paix ne se conclût. « Mais, ajouta-t-il du ton le plus fier et le plus ferme, à cette heure que vous me dites que le roi votre maître me forcera à les rendre, je répondrai autrement que je ne l’ai fait jusqu’ici, et j’espère les garder de telle sorte que par force je ne les rendrai point, car je n’ai point accoutumé d’être forcé aux choses que je fais. » Il déclara qu’il n’avait jamais nié la dette que réclamait le roi d’Angleterre, qu’il était prêt à la payer et qu’il ne croyait pas que le roi d’Angleterre voulût lui faire la guerre pour exiger de lui ce qu’il ne refusait pas. « Si cependant il veut me la faire, dit-il, il me déplaira et il faudra que je me défende. Je prie Dieu que le roi votre maître ne me donne pas plus l’occasion de la lui faire que je ne pense la lui avoir donnée[1]. »

Après qu’il eut répondu à Clarenceaulx, l’empereur rappela le héraut Guyenne, et il ajouta : a Je crois que le roi votre maître n’a pas été averti d’une chose que j’ai dite, à Grenade, à son ambassadeur le président de Bordeaux, et qui le touche fort. Je le tiens si gentil prince qu’il m’eût répondu, s’il l’eût scue. Il fera bien de l’apprendre de son ambassadeur, et je vous prie que le disiez ainsi au roi et gardez-vous bien d’y faillir. » Ne se bornant point à des

  1. Papiers d’Etat du cardinal de Granvelle, t. Ier, p. 319 et 320.