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vers le trône en faisant cinq révérences successives. Lorsqu’il fut près de l’empereur, il mit un genou en terre, et dans cette attitude il dit : « Sire, je supplie votre très sacrée majesté me donner licence de remplir mon office, et qu’après je puisse retourner sûrement comme je suis venu. — Héraut, lui répondit l’empereur, dites ce que vous avez en charge; je veux que vous soyez toujours bien traité. »

, Alors Guyenne se leva, et, debout, il dit : — « Le roi mon maître et souverain seigneur ayant entendu par moi les paroles que vous m’avez commandé de lui rapporter et ce que vous avez proféré contre son honneur, voulant le rendre net, pur, et le mettre hors de suspicion devant le monde, m’a ordonné de vous présenter pour réponse cet écrit signé de sa propre main, lequel, sire, il vous plaira voir, car vous connoîtrez par là qu’il vous satisfait entièrement. » L’empereur, avant de prendre le papier, dit : « Héraut, avez-vous commission du roi votre maître de lire cet écrit que vous apportez? — Sire, répondit Guyenne, le roi mon maître ne m’a pas donné cette charge. — Héraut, continua l’empereur, j’ai entendu ce que vous m’avez dit, je verrai l’écrit que vous m’apportez, j’y satisferai et garderai mon honneur. Le roi votre maître aura fort à faire de garder ainsi le sien. » Il ajouta qu’il pourrait bien tenir le roi pour inhabile à faire un tel acte contre lui, mais que, afin d’éviter une plus grande effusion de sang et de mettre un terme à des guerres que le roi n’avait pas voulu finir par un autre moyen, il voulait le tenir pour habile, en ce cas-ci seulement[1].

Il prit le cartel des mains du héraut d’armes, et pendant qu’il le gardait plié sans le lire, le héraut lui dit : — » Sire, si la réponse que vous ferez au roi mon maître est la sûreté du camp et qu’il plaise à votre majesté me commander de la porter, j’ai ordre exprès de le faire; mais si c’étoit autre chose, je n’ai aucune commission de la rapporter. Il ne faut à mon maître que la sûreté du camp, car il ne manquera pas de s’y rendre avec les armes dont il a l’intention de se servir pour se défendre. — Ce n’est pas à votre maître, répliqua Charles-Quint, à me donner la loi par laquelle je dois me conduire. J’agirai comme j’ai dit. »

Après que le héraut d’armes fût sorti de la salle, l’empereur donna l’ordre à Jean Lallemand, son premier secrétaire d’état, de lui lire en présence de cette grande assemblée le cartel de François Ier. Il l’écouta avec calme, et, entendant les mots du démenti, il dit dédaigneusement que celui qui avait fait et signé ce cartel était le menteur. à dressa ensuite son propre cartel, y repoussa les reproches, y contredit les raisonnemens de François Ier et il ajouta :

  1. Papiers d’état du cardinal de Granvelle, p. 305 et 306.