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suite elle s’est enfoncée; une épaisseur de 18 mètres de graviers, de sables et de coquilles s’est accumulée sur la cabane, et des glaces flottantes venant échouer à la surface y ont déposé les blocs erratiques dont l’osar est chargé. Ainsi donc le littoral de la Suède était peuplé avant la seconde époque glaciaire, celle de la dispersion des blocs erratiques dans les plaines de l’Allemagne et de la Russie. Depuis, cette côte s’est lentement soulevée à un niveau égal à celui qu’elle avait à l’époque où la cabane était habitée, car les débris exhumés étaient au niveau de la mer actuelle. L’époque où la cabane était habitée se trouve donc comprise entre les deux époques glaciaires et correspond à celle où la Suisse portait une riche végétation arborescente qui nous est révélée par les dépôts de lignites d’Utznach et d’Unterwetzikon. Il est encore possible que le pêcheur de Soedertelje fût antérieur à la première époque glaciaire, lorsque la côte était plus relevée qu’elle ne l’est aujourd’hui : alors il eût été contemporain de la forêt sous-marine de Crommer en Angleterre, qui l’a précédée; enfin il a pu exister pendant la durée de la première époque glaciaire, comme les Esquimaux du Groenland septentrional, qui vivent au milieu des glaces éternelles du pôle. Toutes ces hypothèses sont discutables, mais une chose est certaine, c’est que ce pêcheur habitait sa cabane avant la subsidence de la côte suédoise et avant la dispersion des blocs erratiques par les glaces flottantes.

Passons à d’autres exemples choisis dans l’intérieur des continens. En 1823, un géologue distingué, M. Ami Boue, découvrait dans le Rhin, au pied des montagnes de la Forêt-Noire, près de la petite ville de Lahr, des ossemens humains enfouis sous une couche de loess ou lehm, ayant 28 mètres d’épaisseur. Or le loess du Rhin est de la boue glaciaire renfermant des coquilles terrestres dont les analogues vivans ne se trouvent plus que dans les Alpes. Cuvier régnait alors en géologie; il reconnut les ossemens comme ossemens humains, mais, cette découverte étant contraire à ses idées sur la chronologie paléontologique, il déclara que ces os devaient provenir d’un cimetière récent. M. Boué n’insista pas, et le fait fut oublié. Depuis des restes humains ont été découverts également dans le lehm à Eguisheim, près de Colmar. Ils étaient accompagnés d’une molaire d’éléphant, d’un os de bœuf fossile et d’une tête de cerf. D’autres preuves sont nécessaires : tous les géologues ne considèrent pas le lehm de la vallée du Rhin comme de la boue glaciaire; on peut soupçonner d’ailleurs que le terrain a été remanié et que ces os n’appartiennent pas aux dépôts qui les renferment. Voici un fait décisif constaté l’automne dernier par MM. Desor, Escher de la Linth et Schœnbein. Dans le bassin du lac de Constance, près de Schussenried, au nord de Ravensburg, sur la route