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plus et laissent dans l’esprit la plus durable impression. Ces lignes doucement infléchies se déroulent avec un rhythme merveilleux qui réjouit et repose la vue ; elles portent le regard, pour ainsi dire, tant elles ont de grâce naturelle dans leur développement géométrique, et l’on éprouve à les contempler une sensation instinctive de volupté que rendent encore plus douce les mouvemens cadencés des vagues déferlant sur la côte. Quel que soit l’endroit de la plage où l’on se trouve, on voit la grande courbe de sable baignée par le flot se développer suivant un profil régulier jusqu’à une pointe plus ou moins éloignée qu’assiègent les brisans. Au-delà de cet angle avancé s’arrondit une deuxième anse aussi gracieuse de contours que la première ; puis dans la distance, on discerne toute une série d’autres baies dont les contours deviennent de plus en plus vaporeux. À l’horizon lointain, l’embrun des vagues, pareil à une fumée, recouvre entièrement les plages ; mais on devine que dans cet espace indistinct les sinuosités du rivage se développent toujours avec la même régularité. C’est ce rhythme des plages qui donne aux côtes, d’ailleurs très monotones, des landes françaises un charme si pénétrant. On reconnaît à son œuvre le puissant travailleur, l’océan, et l’on est confondu en pensant à l’immensité des âges qu’ont employés les forces de la nature pour établir une harmonie si parfaite entre le flot et la rive, entre la mer et le continent. Sous l’incessante action des vagues, tous les contours du littoral ont été sculptés à nouveau et se sont recourbés en ondulations régulières, souvent comparées à celles d’une guirlande suspendue de colonne à colonne. Chacune des baies reproduit en grand la forme du brisant qui déferle en dessinant sur le sable une longue courbe elliptique de flocons d’écume.

Les côtes de la plupart des pays montueux battues par le flot de la mer depuis des milliers de siècles ne sont pas moins gracieusement dessinées que les rivages des terres basses. Des exemples remarquables de cette formation régulière se montrent sur toutes les côtes rocheuses de la Méditerranée, en Espagne, en Provence, en Ligurie, en Grèce. Là, chaque promontoire, reste d’une ancienne chaîne de collines rasée par les flots, redresse en haute falaise sa pointe terminale ; chaque vallon qui descend vers la mer se termine par une plage de sable fin à la courbure parfaitement arrondie. Rochers abrupts et plages doucement inclinées alternent ainsi sur le littoral d’une manière harmonieuse, tandis qu’à l’intérieur, les sommets et les pentes des montagnes, les cultures des vallées, les villes éparses sur les hauteurs ou sur les pentes et l’aspect sans cesse changeant des eaux introduisent une grande variété dans l’uniformité grandiose du paysage.

En effet, si le profil du rivage présente une série de lignes mollement recourbées, cette régularité de contours se borne à l’espace étroit que viennent affleurer les vagues; à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer l’architecture du continent reprend déjà une infinie di-