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jours, l’armée du Rhin vit à sa tête, d’abord un intérimaire qui refusait de donner aucun ordre, et qu’aucune prière, aucune menace ne pouvait faire sortir d’un mutisme absolu, puis un vieux capitaine qu’on avait tiré d’un dépôt, et dont tout le plan de campagne se bornait à ranger les bataillons de la droite à la gauche par ordre de numéro, un troisième enfin qui à toute question répondait « qu’il fallait marcher majestueusement et en masse ; » lui-même ne marchait jamais. Ajoutez les armées révolutionnaires sur les derrières, l’intervention continuelle et souvent inopportune des représentans en mission, et vous aurez une idée de la confusion qui régnait.

Ce qu’il y avait de plus grave, c’était la réduction croissante de l’effectif : au 1er janvier 93, dans les huit armées de la république, on n’aurait guère trouvé plus de 150,000 hommes présens sous les armes. Il est de l’essence même des corps spéciaux de volontaires de ne pas se renouveler, et cependant la seule existence de ces corps avait complètement arrêté le recrutement des troupes de ligne. D’autre part, les patriotes de 91, n’étant engagés que pour un an, se croyaient libres de retourner chez eux; 60,000 avaient quitté les rangs. Il fallait des hommes en toute hâte ; le 20 février, la convention mit en « réquisition » 300,000 gardes nationaux. Ce contingent était réparti entre les départemens par le pouvoir exécutif, entre les districts par l’administration départementale, entre les communes par les directoires du district; à défaut d’un nombre suffisant de volontaires, les communes avisaient aux moyens de fournir, le complément, qui devait être pris parmi les célibataires ou veufs sans enfans, âgés de 18 à 40 ans. Cette mesure ne produisit pas l’effet attendu; la limite d’âge si vague, l’arbitraire laissé aux communes d’abord, puis déféré aux représentans en mission, donnèrent lieu à une foule d’abus et de prévarications. Ici, la réquisition était un moyen de persécuter ceux qui étaient soupçonnés d’aristocratie ou de modérantisme; là, on ne demandait que des certificats de civisme et on ne songeait qu’à alimenter les armées révolutionnaires, fût-ce même avec l’aide de primes en argent; Paris se souvint longtemps des « héros à 500 livres. » En somme, le chiffre des hommes qui rejoignirent les armées actives se trouva très inférieur à celui qu’on avait espéré; encore, parmi ceux-ci, beaucoup étaient si impropres au métier des armes que, bien qu’on n’y regardât point alors de très près, il fallut en renvoyer un grand nombre. D’après un état trouvé dans le portefeuille de Saint-Just, la force publique entretenue le 15 juillet 93 montait à 479,000 hommes. De ce total il faut déduire d’abord la gendarmerie, puis les dépôts, bataillons en arrière, etc.; mais il y a plus : l’armée du nord, qui figure sur cet état pour 92,000 hommes,