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où l’on fabriquait les canons, les fusils, la poudre. C’était un de ces efforts qu’on ne peut pas souvent demander aux peuples, qu’ils n’accordent pas toujours, et que la prévoyance des gouvernemens doit leur épargner; mais, dans la fièvre dont la France était saisie alors, il y eut des créations qui devaient survivre à ce mouvement généreux et former une partie définitive de notre établissement militaire. En même temps qu’on levait, qu’on armait les soldats, il fallait les organiser, car il était impossible de laisser subsister plus longtemps entre les corps les distinctions d’origine. Plusieurs généraux avaient déjà essayé de les effacer, sans pouvoir vaincre des résistances fondées sur des droits acquis, sur des garanties formelles. Les soldats de ligne tenaient aux traditions de leurs régimens, ils tenaient à leurs uniformes blancs qu’ils croyaient plus redoutés de l’ennemi; les volontaires étaient jaloux de leurs privilèges. Chaque jour, les difficultés et les inconvéniens se multipliaient. La levée en masse allait jeter dans l’armée 543 bataillons nouveaux, dont les cadres étaient formés par l’élection. Il fallait une mesure radicale; Carnot sut la prendre et la faire exécuter. D’abord les cadres de la levée en masse furent licenciés : sergens et officiers quittèrent galons ou épaulettes; confondus avec leurs subordonnés de la veille, ils furent incorporés au même titre dans les anciens bataillons de volontaires. Puis on fit « l’amalgame, » c’était le mot du temps : gardes nationaux actifs de 91 et de 92, réquisitionnaires de 93, anciens soldats de ligne, hommes du nord ou du midi, citadins ou campagnards, tous furent mêlés ensemble; les lois pénales, la discipline, la solde, les conditions du service furent égales pour tous. Plus de rivalités départementales, plus de tradition du passé; adieu les vieux noms illustres : Picardie, Champagne, Navarre sans peur, Auvergne sans tache! Mais les numéros des demi-brigades eurent bientôt aussi leur auréole de gloire. Qui n’eût été fier d’appartenir à « l’invincible 32% » à «la terrible 57e, » à « l’intrépide 106 ? » J’en passe, et des meilleurs.

L’infanterie entière revêtit l’habit bleu, et fut formée en demi-brigades de trois bataillons; il y avait dans chacune un chef de brigade, trois chefs de bataillon (grade nouveau) et vingt-sept cadres de compagnies, dont trois de grenadiers. Au nom près, c’est le type du régiment d’infanterie actuel. La cavalerie conserva son ancienne organisation, qu’elle n’avait jamais perdue; elle fut renforcée en hommes et en chevaux. Elle était bonne, rendit de grands services, mais ne reçut pas un développement proportionnel à celui de l’infanterie; dans nos armées républicaines, elle ne fut pas employée en masse comme elle l’avait été par Frédéric, comme elle devait l’être par Napoléon. L’artillerie de ligne comprenait sept régimens, auxquels il faut ajouter l’artillerie volante, créée aux