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Hors de France, c’est presque uniquement dans les républiques de la Plata que les Basques vont chercher fortune. À Buenos-Ayres, à Montevideo et dans les villes de l’intérieur situées sur les bords de l’Uruguay et du Parana, ils s’emploient au chargement des navires, au jardinage, à la fabrication des briques, à la surveillance des estancias, au service des abattoirs de bétail, à la salaison des peaux, à tous les travaux qui demandent de l’adresse, de la force et de la persévérance. Appelés par des parens et des amis qui leur trouvent immédiatement de l’occupation, ils se mettent à l’œuvre, et dès le premier jour enrichissent le pays. Par leur amour du travail et de la paix, leur probité, leur intelligence, ils donnent à la contrée dans laquelle ils s’établissent de puissans élémens de prospérité et font souche d’excellens citoyens ; mais un petit nombre s’occupent d’agriculture proprement dite ; dans toutes les colonies qui ont été récemment fondées à l’intérieur du pays les Basques sont en très faible minorité, ou même n’ont pas un seul représentant de leur race[1]. Le descendant des Ibères aime sa liberté d’allures, et dans ces régions de vastes plaines et d’horizons sans bornes il lui est facile de se déplacer au gré de ses intérêts ou de son caprice. Du reste, les Basques, étant presque tous complètement désintéressés dans les luttes intestines et les mouvemens politiques des populations de la Plata, trouvent le plus souvent moyen de ne pas en souffrir. Lorsqu’il leur semble périlleux de résider à Buenos-Ayres et dans les environs, ou bien lorsque le commerce s’y ralentit, ils franchissent l’estuaire pour gagner Montevideo, puis, lorsque cette dernière ville est à son tour livrée à quelque dissension intérieure ou menacée par l’invasion étrangère, ils font une nouvelle traversée pour revenir à Buenos-Ayres. Obéissant à l’appel du trafic, nombre d’entre eux se dirigent aussi vers les petites villes des bords de l’Uruguay et du Parana. C’est ainsi que pendant la période de prospérité commerciale que l’indépendance donna aux provinces de l’intérieur, Rosario, Gualeguay, Gualeguaychu virent affluer dans leurs rues naguère désertes des milliers de Basques espagnols et français, qui recommencèrent ensuite leur odyssée dès que le monopole des importations eut été reconquis par Buenos-Ayres. C’est à cette migration continuelle des Basques dans les provinces de la Plata qu’il faut attribuer l’erreur probable des statistiques relativement au nombre total de ces exilés volontaires de l’Europe. D’après les documens officiels, les Français et les Espagnols résidant en 1864

  1. Au commencement de l’année 1866, ces colonies agricoles avaient une population totale de 7,340 individus, en grande majorité Suisses et Allemands ; les statistiques ne donnent pas le nombre des Basques, comptés en bloc parmi les Espagnols et les Français; ceux-ci, Béarnais pour la plupart, étaient environ 1,300.