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organisées dans la guerre des Gaules que César a enlevé l’empire romain à Pompée et à ses lieutenans. Les bandes que Gustave-Adolphe avait conduites à travers toute l’Allemagne ont survécu au héros suédois. Si Frédéric a essuyé de grands revers, ce sont cependant les cadres des mêmes régimens sans cesse alimentés qui l’ont suivi de 1742 à 1763; mais Napoléon, combien d’armées a-t-il enfantées et dévorées ! Suivons-le de Montenotte à Waterloo, et tâchons de compter.

L’armée d’Italie, lorsqu’il en prit le commandement, était solidement constituée malgré son dénûment. Renforcée par les troupes que la paix avec l’Espagne rendait inutiles sur les Pyrénées, elle se composait de soldats instruits d’abord dans des camps d’exercice, ensuite formés par plusieurs années de guerre dans les montagnes, petite guerre si l’on veut, mais excellente école qui développe le courage et l’intelligence individuels, et donne aux grades inférieurs l’habitude de la responsabilité. L’infanterie était répartie en quatre fortes divisions que depuis quelque temps déjà dirigeaient des chefs expérimentés, énergiques, tacticiens habiles, jeunes d’âge et anciens de service; la division de cavalerie, peu nombreuse, mais excellente, venait d’être placée sous les ordres d’un des compagnons de Dumouriez, Allemand d’origine, qui avait échappé par miracle au tribunal révolutionnaire, et qu’une des plus belles dictées de Sainte-Hélène nous dépeint comme le type du général de cavalerie d’avant-garde. Bonaparte ne changea rien à cette organisation; il n’y toucha que pour des opérations spéciales (siège de Mantoue, invasion des Légations) ou pour remplacer les chefs tués sur le champ de bataille (Laharpe, Stengel). C’est dans les mêmes divisions qu’il versa les contingens fournis par l’armée des Alpes ou envoyés de l’intérieur; c’est avec elles qu’il exécuta en quelques mois ces opérations qui semblent l’œuvre de plusieurs années, les plus rapides, les plus complètes dont il reste trace dans les annales de la guerre; c’est avec elles qu’il battit les Piémontais de Colli, les Autrichiens de Beaulieu, de Wurmser, d’Alvinzi et de l’archiduc. Sur la fin seulement, il put y joindre une cinquième et superbe division prise dans l’armée du Rhin et formée par Moreau avec un soin qui dans des circonstances analogues a trouvé peu d’imitateurs.

Si les campagnes de 96 et de 97 avaient placé Bonaparte au-dessus de tous les capitaines de son temps, l’expédition d’Egypte allait révéler en lui des facultés d’un autre ordre. Cette fois il choisit lui-même ses troupes, en règle le nombre, désigne les généraux, préside à tous les préparatifs, combine les moyens militaires, maritimes, administratifs : on ne saurait imaginer rien de plus prompt et de plus parfait; mais la formation du corps expédi-