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d’Orazio Baglioni; mais aussitôt que cette excellente troupe d’environ quatre mille hommes fut arrivée au camp français, le prince d’Orange quitta sa position de Troja. Il délogea dans la nuit même et se mit en retraite vers Naples sans être beaucoup inquiété.

Lautrec fit occuper par une partie détachée de son armée la ville et le comté de Melfi et prit possession de l’intérieur du royaume, qui se rendait partout à lui. Les Vénitiens s’emparaient en même temps et avec une diligence ambitieuse de toute la côte orientale depuis Manfredonia jusqu’à Otrante : c’était leur part dans la conquête. Le lieutenant de François Ier se dirigea ensuite avec presque toutes ses troupes sur le point le plus important à prendre, sur Naples, où s’était repliée l’armée impériale.

Le prince d’Orange, arrivé un peu avant la fin du mois d’avril devant la capitale de ce royaume, plus qu’à moitié perdu pour l’empereur, sentit qu’il fallait conserver Naples à tout prix. Il projeta d’abord de la couvrir en gardant les hauteurs qui la couronnaient et qui faisaient face au golfe. Il s’établit dans les positions de Capo-di-Monte et de Poggio-Reale, et se disposa tout de suite à les fortifier pour arrêter de là les Français. La difficulté de recueillir des vivres et de maintenir sans argent une armée qui se trouverait placée entre les troupes ennemies maîtresses de la campagne et la ville de Naples, peu sûre dans ses sentimens, lui fit abandonner le dessein périlleux de camper en ayant devant lui des forces supérieures et derrière lui une population hostile[1]. La crainte d’un soulèvement de la part des habitans de Naples, las du joug espagnol comme le reste du royaume, « qui, avait-il écrit à l’empereur, est meilleur François que je ne suis bon chrétien[2], » le décida aussi à rentrer dans la ville pour la contenir autant que pour la défendre. Il ne garda que le point culminant du mont San-Martino, coteau plus rapproché de Naples et la dominant. Il y éleva le fort Saint-Elme et y plaça treize enseignes espagnoles capables de se maintenir avec un opiniâtre courage dans cette position, qui était la clé de la ville[3]. Sachant qu’il aurait à soutenir un siège inévitablement long, il fit remparer Naples sur tous les points, et s’enquit de ce qu’il y avait de vivres et surtout de vin, dont ses Allemands ne pouvaient se passer, et qui, plus encore que la solde, était une

  1. « Pour deux raisons, écrivit-il à l’empereur... La prima che non ne possevamo confidare de li citadini Napolitani, la seconda che per la falta de denari non ne haveriamo possuto intertenere in campagna. » Lettre du prince d’Orange à l’empereur, du 30 avril 1530. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Lettre du prince d’Orange à l’empereur, du 30 mars 1530. — Archives impériales et royales de Vienne.
  3. Lettre du prince d’Orange à l’empereur, du 30 avril 1530. Ibid.