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nait du roi une ordonnance qui ouvrait au ministère de l’intérieur un crédit extraordinaire de 240,000 francs destinés à la construction d’une ligne de télégraphie électrique entre Paris et Rouen. M. Foy y mettait un légitime amour-propre, et grâce à lui les travaux furent entrepris et poussés avec une extrême activité. La première, la solennelle expérience eut lieu le 18 mai 1845 à la gare du chemin de fer de Paris à Saint-Germain. Comme celle que Claude Chappe avait dirigée cinquante et un ans auparavant sur les hauteurs de Ménilmontant, elle réussit. En présence des faits qui se révélèrent pendant cette première séance, en présence de la rapidité, de la sûreté, de la régularité de la transmission des dépêches, on fut persuadé que ce nouveau mode de communication était non-seulement possible, mais facile et d’un usage désormais assuré. M. Foy se trouvait néanmoins en face d’une difficulté qui pouvait apporter de graves inconvéniens à son administration. Les télégraphes aériens existaient partout en France, et, malgré la meilleure volonté du monde, on ne pouvait les remplacer immédiatement par les engins électro-dynamiques. Il fallait cependant les utiliser, en exiger les services qu’ils pouvaient rendre encore jusqu’au jour où ils céderaient la place aux nouveau-venus. Or ces derniers écrivaient et les premiers signalaient. L’unité du système indicatif était brisée; faudrait-il donc faire traduire en langage aérien les dépêches électriques lorsqu’une ligne aérienne se trouverait en rapport de correspondance avec une ligne nouvelle ? Le problème paraissait malaisé à résoudre; M. Foy s’en tira avec une habileté parfaite. Ne voulant et ne pouvant se servir de l’appareil Wheatstone, qui soulevait des lettres, ni de l’appareil Morse, qui traçait des lignes et des points, il inventa, aidé de M. Bréguet, une machine fort simple, très ingénieuse, qu’on appela le télégraphe français, et qui, par les diverses combinaisons de deux aiguilles mobiles à l’extrémité d’un régulateur fixe, opérait en figurant les signaux usités par les aériens. Seulement chaque signe, au lieu de correspondre à la page d’un vocabulaire déterminé, devint la représentation d’une des lettres de l’alphabet, et les employés de l’ancien télégraphe purent manipuler le nouveau sans trop de difficulté.

Par l’établissement de la ligne de Paris à Rouen, l’élan était donné, et dès le 28 mars 1846 M. Duchâtel, ministre de l’intérieur, demanda un crédit de 408,060 francs pour relier télégraphiquement Paris à Lille. M. Pouillet, au nom de la commission, lut dans la séance du à juin un rapport plus libéral que le projet ministériel, et qui concluait à la prolongation de la ligne jusqu’à la frontière belge. La loi fut votée avec cette importante modification, qui créait ou du moins invitait à créer la télégraphie internatio-