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l’amendement ajouta « toutes personnes dont l’identité est établie. » Aussi l’arrêté ministériel du 18 février 1861 porte : « Toute personne qui voudra faire usage de la correspondance télégraphique devra d’abord faire constater son identité. » C’était mettre tant de broussailles autour de la télégraphie privée, qu’elle devenait d’un usage presque illusoire en présence des fastidieuses formalités dont on l’entourait. La taxe était fixée à 3 francs pour vingt mots, plus un droit de 12 centimes par myriamètre ; à ce taux-là, une dépêche de Paris pour Marseille coûtait 15 francs. Ainsi qu’on le voit, l’emploi de ce moyen de correspondance était dans le principe fort cher, assez difficile, et par conséquent d’un emploi très restreint. La loi fut mise en vigueur le 1er mars 1851[1].

L’administration des télégraphes électriques possédait alors dix-sept stations en France ; elle expédia cette année (1851) 9,014 dépêches taxées, équivalant à la somme de 76,722 fr. 60 c. On s’aperçoit qu’on était aux premiers jours d’une organisation nouvelle et encore inexpérimentée. La proportion devait aller toujours en augmentant ; on peut en juger : pendant les dix premiers mois de 1866, les dépêches privées se sont élevées au chiffre de 2,367,991 ayant produit une recette de 6,471,886 fr. 44 c. Le nombre des stations était au 1er décembre dernier de 2,136, et celui des employés, depuis le directeur-général jusqu’aux facteurs, de 4,739. C’est peu, si l’on considère que ce total représente la correspondance télégraphique d’un pays qui possède 38 millions d’habitans, mais c’est beaucoup, si l’on pense que ce service a été rendu public depuis quinze ans seulement. La France, qui volontiers se croit une nation hardie, pleine d’initiative et prête à tout oser, est réfractaire à bien des progrès ; la routine la retient sur les chemins étroits, et il faut parfois bien du temps avant qu’un usage utile, commode et pratique soit généralement adopté et passé dans nos mœurs.


IV.

La France possède aujourd’hui 128 millions de mètres de fils télégraphiques ; 100 millions appartiennent à l’état et 28 millions aux compagnies de chemins de fer ; ces derniers sont spécialement réservés au service des voies ferrées. La direction générale a son siège à Paris, rue de Grenelle-Saint-Germain ; c’est là qu’est situé le bureau central, qui, par rapport au réseau tout entier, figure assez bien le milieu d’une toile d’araignée. C’est une usine à dé-

  1. Par un rapprochement singulier, au moment où la télégraphie entrait enfin dans le domaine public, le grand physicien qui avait découvert une des lois primordiales de l’électricité, Œrstcd, mourait à Copenhague (10 mars).