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pour diminuer sa force et perdre de sa puissance[1]. Au-dessus de la salle des piles se trouve la chambre des fils; ils sont dressés et fixés le long d’une muraille en bois peint, à peu près comme les cordes d’un piano sont dressés contre la table d’harmonie. A chacun d’eux est attaché un double jeton d’ivoire; sur l’un est écrit le nom du poste auquel il aboutit : — Place du Havre, — Florence, — Bordeaux; sur l’autre est gravé un mot indicatif du trajet souterrain qu’il parcourt : — Catacombes n° 8, — Egout n° 123. C’est l’état civil, le signalement des fils télégraphiques de Paris. Aussitôt qu’un fil cesse de fonctionner ou fonctionne mal, comme on en connaît le point de départ, le point d’arrivée et le trajet, il est facile d’aller réparer le désordre ou l’accident dont il a été l’objet.

Le poste central proprement dit est au second étage; il est aussi incommode qu’il est indispensable, et l’installation en est aussi défectueuse que les services en sont précieux. Il se divise en deux parties distinctes, la salle de transit et la salle de Paris; chacune d’elles est sous la surveillance d’un directeur spécial. La salle de transit est chargée du service des dépêches, qui, dirigées de la province sur la province, de l’étranger sur l’étranger, passent forcément à Paris; quatre brigades de quatre-vingt-seize employés, se relayant de quatre heures en quatre heures, reçoivent les télégrammes et les réexpédient immédiatement à destination ; de plus c’est ce bureau qui est chargé de fournir des agens manipulateurs aux postes de Paris, lorsque le stationnaire est malade, absent ou empêché. A cet effet, une brigade volante de vingt-cinq hommes se tient toujours prête; dès qu’un vide est signalé dans une station, le directeur crie un nom, un employé prend son chapeau et se sauve en courant. Le public ne soupçonne pas les efforts incessans que l’on fait pour que son service ne soit jamais en souffrance. J’ai dit que ce bureau s’appelait la salle de transit, j’aurais dû dire les chambres, car en réalité ce sont quatre chambres contiguës qui le composent; la surveillance, on le comprend, n’y est point aisée, et il faut que les inspecteurs aillent sans cesse et sans repos d’une pièce à l’autre. C’étaient autrefois les bureaux de l’administration communale; on a abattu les refends, enlevé les portes, respecté forcément les gros murs, et tant bien que mal on a empilé là un nombre exagéré d’employés qui, pour manœuvrer soixante-dix ap-

  1. La gutta-percha, qui coûtait 2 francs par kilogramme lorsqu’on a commencé à l’employer pour revêtir les fils, revient aujourd’hui à 7 francs la livre. Cependant on est forcé de s’en servir, car c’est encore le moins médiocre des isolans; le ciment, le goudron, le bitume, le sable, ont été essayés tour à, tour et n’ont donné que de mauvais résultats. La peinture serait excellente, mais elle s’éraille, s’écaille et laisse par conséquent échapper le fluide.