Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/495

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pêches .en arabe, en chinois, en sanscrit, des portraits et des signatures ornées de paraphes invraisemblables[1].

Au fond de la cour, sous la tourelle, au bout d’un de ces couloirs dont toute administration française a grand soin de s’embarrasser, une assez vaste salle sert d’étude aux surnuméraires qui apprennent la manipulation. Un cours à la fois théorique et pratique leur est fait sur l’appareil Hughes par un jeune homme aux yeux intelligens et fins, pour qui la mécanique et l’électricité n’ont point de secret. De grandes pancartes tendues contre les murs représentent les différentes parties des mécaniques, grossies dans des proportions considérables. J’ai vu là beaucoup de sous-officiers qui jouaient à grand’peine quelques dépêches sur le piano Hughes ; on les surveille, on rectifie leurs erreurs, on leur apprend la patience, et plus d’un sans doute, en maniant le télégraphe, regrette le maniement du fusil. En face s’ouvre la salle des expériences ; c’est là que le savant M. Guillemin interroge l’électricité, la force d’obéir à de nouveaux agens de transmission et expérimente scientifiquement toute invention nouvelle applicable à la télégraphie. Quand j’y suis entré, tout était au repos ; les boussoles des sinus dormaient à côté des électro-aimans, des bouteilles de Leyde toutes brillantes de clinquant se dressaient sur la table auprès d’une gigantesque bobine qui, mieux que le char et le pont d’airain de Salmonée, doit savoir comment on fait le tonnerre. Aux premiers temps de la télégraphie électrique, dans les postes, pendant les orages, les sonneries entraient en danse toutes seules, les appareils s’affolaient, parfois les pointes métalliques, liquéfiées par la foudre, s’égouttaient en pluie de feu ; il fallait fuir le courroux de l’olympe. Sur les chemins de fer, les rails et les fils télégraphiques échangeaient des étincelles menaçantes. Les magiciens de la science moderne n’ont point été effrayés de ce fracas. M. Bréguet, M. Froment, M. Bertsch, ont inventé des paratonnerres qui n’ont rien de commun avec les tiges métalliques qui s’élèvent sur nos monumens. Ce sont des instrumens qui ont à peu près la forme d’un volume in-18. Il sont destinés à mettre les fils en communication immédiate avec la terre, c’est-à-dire à annihiler instantanément et à volonté la puissance de l’électricité atmosphérique pendant les temps orageux. Tous les postes télégraphiques sont aujourd’hui pourvus de paratonnerres, et nul danger n’existe

  1. L’admirable invention de M. Caselli ne paraît pas être le dernier mot de la télégraphie autographique ; je lis en effet dans la Nazione du 19 février 1867 que M. Bonelli vient de faire à Florence des expériences décisives avec son nouvel appareil à un seul fil, et qu’il a obtenu dans une heure plus de cent dépêches imprimées ou autographiées.