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peu importe qu’un allège contienne trois sacs ou quarante sacs; le transport n’en doit pas moins se faire, et tout ce qui dépasse un certain chiffre de dépenses obligatoires devient un bénéfice dont la poste tient compte au trésor ; mais pour la télégraphie électrique il n’en est point ainsi. L’augmentation des correspondances dans l’état actuel des choses peut devenir un inconvénient en encombrant le service de manière à rendre la célérité électrique illusoire[1]; si un tel accroissement se faisait brusquement, par suite d’une modification nouvelle des tarifs, il faudrait acheter de nouveaux appareils, tendre de nouveaux fils, établir de nouvelles stations. Certes il est à désirer que ce soit fait promptement, que le télégramme simple coûte 50 centimes pour la France et 25 centimes pour le département; la direction-générale ne reculerait pas, pour sa part, devant cette mesure libérale et attendue, mais elle s’arrête en face du budget, et comme elle n’a point d’argent, qu’elle se suffit à peine à elle-même, elle est forcée d’attendre des temps meilleurs. Un crédit de 10 millions (l’expédition du Mexique nous coûte plusieurs centaines de millions) permettrait à la télégraphie de prendre un développement immédiat, considérable, et de se mettre vraiment à la portée de tout le monde[2]. A quoi donc doit servir la fortune publique si ce n’est à propager, fût-ce même au prix d’un sacrifice important, les inventions utiles qui suppriment les distances, fusionnent les intérêts et donnent à l’industrie une impulsion sans précédons jusqu’à ce jour?

La télégraphie électrique, abandonnée à ses seules ressources, pourrait cependant accomplir des réformes importantes, si, comme la poste, elle n’était écrasée par les franchises. Il est grand, le nombre des fonctionnaires qui ont droit d’expédier leurs dépêches sans acquitter la taxe, et, comme chacun demande à jouir de ce bienheureux privilège, ce nombre augmente tous les jours. En 1865, la direction des télégraphes a transmis 568,647 dépêches gratuites qui, si elles eussent été payées selon le nombre de mots qu’elles contenaient, eussent produit une recette de 1,800,361 fr. Si les fonctionnaires se contentaient d’envoyer des correspondances écrites en style télégraphique, on comprendrait jusqu’à un certain point cette sorte d’impôt forcé; mais il n’en est rien, ce sont de

  1. Voici une indication comparative du mouvement des dépêches par rapport à la diminution des tarifs. Loi du 29 novembre 1850, 3 francs, plus 12 centimes par myriamètres. — 1851, 9,014. — 1852, 48,105. — En 1861, le total est de 920,537. — Loi du 3 juillet 1861, 1 franc pour le département, 2 francs pour tout l’empire. Dès 1862, les dépêches s’élèvent au chiffre de l,518,044.
  2. La France, qui, d’après le dernier recensement, a 37,545 communes, ne possède encore que 2,136 postes télégraphiques.