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ressée au maintien de ses bonnes relations avec la France pour songer à faire de cette petite question une grave affaire. À ce propos ou peut-être à cause de convoitises un peu grossières exprimées par quelques journaux prussiens à l’endroit des ports et du littoral hollandais qui sont maîtres des débouchés maritimes de grands fleuves allemands, l’honnête, solide et patriote population néerlandaise s’est assez vivement émue. L’esprit national a pris l’alarme, et on a trouvé sur le champ des citoyens prêts à s’organiser en volontaires à la mode anglaise.

La situation de l’Orient continue à être critique; nous persistons à penser cependant qu’elle ne peut point susciter de conflits entre les puissances européennes. La politique la plus prudente et la plus habile pour la France serait de ne montrer aucun empressement à jouer un rôle dans les complications orientales et de ne point chercher là une occasion de recommencer des coquetteries d’alliances qui ne peuvent aboutir à aucune union sérieuse et profitable. La puissance la plus intéressée à entretenir l’agitation en Orient est assurément la Russie. Cette agitation rend à la diplomatie russe les airs d’Importance qui vont à ses goûts; elle tend à mettre en question le système de relations établi depuis 1856 entre la Porte et l’ensemble des puissances. La Russie a toujours détesté ce système qui a placé la politique générale de la Turquie en face du concert européen, et l’a soustraite aux efforts particuliers des influences isolées. L’influence qui a le plus perdu à ce changement a été en effet celle de la cour de Saint-Pétersbourg. Agiter l’Orient et se rendre nécessaire pour le pacifier est encore un moyen d’annuler les résultats de la guerre de Crimée et de préparer la déchéance du traité de 1856. La Russie, qu’on en soit certain, ne serait point en mesure de saisir l’héritage immédiat que laisserait vacant la ruine de l’autorité ottomane : aussi ce n’est point la chute immédiate de la Porte que souhaitent ses hommes d’état. On ne les trouve pas plus ardens à favoriser un agrandissement du royaume de Grèce. Il n’est point de l’intérêt moscovite qu’une grande Grèce se forme et puisse se présenter avec les ressources d’une autonomie active et ambitieuse le jour où le pouvoir musulman viendrait à défaillir dans la Turquie d’Europe. Quand on essaie de conduire le cabinet de Pétersbourg à quelque conclusion précise, il rompt et se dérobe. S’il est question de l’annexion possible de la Crète à la Grèce, la Russie trouve le procédé incomplet; les ressources de la Grèce ne seraient point accrues suffisamment par cette annexion. Faudrait-il donner au royaume hellénique la Thessalie et l’Épire? Au gré du cabinet moscovite, ce serait commencer tout de suite le démembrement de la Turquie d’Europe et précipiter une chute dont les conséquences sont incalculables. La politique russe aime mieux plaider les griefs des populations chrétiennes de l’empire et reprocher à la Porte de ne point avoir exécuté le fameux hatt-humayoun. qui devait être la charte des chrétiens. Des trente-cinq articles de cette charte, la Porte a exécuté plus de la moitié, ceux par exemple qui ont con-