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pour l’avancement et la formation des corps d’officiers. Parmi les institutions de cet ordre que lui doit l’armée française, figure au premier rang celle du corps d’état-major et de l’école d’application qui s’y rattache. Au lieu d’être entourés d’aides-de-camp aussi braves qu’élégans, mais désignés par la faveur ou l’amitié, les généraux trouvent aujourd’hui auprès d’eux des officiers pourvus de connaissances spéciales, versés dans l’étude du terrain, initiés au détail des différentes armes, intermédiaires efficaces entre le commandement et la troupe. Ainsi fut comblée une des plus grandes lacunes de l’organisation militaire. Administrateur vigilant et actif, Saint-Cyr introduisit de nombreuses améliorations dans les services qui ressortissaient à son ministère; entre autres mesures importantes, il eut à exécuter une ordonnance, rendue pendant la gestion du duc de Feltre, qui réunissait le contrôle de la comptabilité des régimens et la direction de toutes les branches de l’administration dans les mains de « l’intendance militaire, » substituée ainsi aux inspecteurs aux revues, ordonnateurs et commissaires des guerres. Recrutée parmi les officiers de troupe, l’intendance a depuis lors rempli ces fonctions si multiples avec une efficacité qui honore autant la probité que l’intelligence du corps; peut-être cependant le problème de l’administration des armées n’est-il pas encore complètement résolu; peut-être serait-il possible de concilier la sévérité d’un contrôle intègre avec quelque chose de l’audace et de la fécondité qui distinguaient les anciens munitionnaires. Quant à la cavalerie et aux armes spéciales, elles furent constituées dans des proportions conformes à l’état de la science militaire, la cavalerie divisée en trois catégories principales, l’artillerie en régimens à pied et à cheval. Notons tout de suite que, vers la fin de la restauration et sous la direction éclairée du général Valée, cette dernière arme reçut, avec un matériel perfectionné, une distribution nouvelle : les pontonniers seuls restant à part, chaque régiment d’artillerie devint un centre d’instruction et d’organisation qui fournissait, selon les besoins du service actif, des batteries de diverses classes. Nous sommes bien loin aujourd’hui du matériel de 1829; mais les motifs qui, en 1860, ont fait rétablir l’ancienne séparation des régimens d’artillerie n’ont pas été compris de tout le monde.

Revenons à 1824 : nous sommes au lendemain de la campagne d’Espagne; l’armée formée sous le régime de la loi de 1818 s’est montrée calme, active, disciplinée, courageuse. Sauf le mécompte qui a nécessité l’intervention de M. Ouvrard, sauf le déboire causé dans certaines régions par l’étonnant succès de ce fournisseur[1],

  1. Je causais, il y a quelque temps, avec un officier-général qui avait fait, le sac sur le dos, la campagne de 1823, et qui depuis avait servi d’une façon constamment active en Afrique, en Italie, en Crimée : « Jamais, me disait-il, nous n’avons été aussi bien pourvus qu’en Espagne. »