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débiteur livre la monnaie qui a le moins de valeur, et les commerçans en métaux précieux, quand l’argent est rare et fait prime, ont intérêt à acheter les pièces faites de cette matière en les payant au moyen de pièces d’or, et à faire l’opération inverse quand c’est l’or qui a le plus de valeur. L’histoire des monnaies dans tous les pays prouve que cette spéculation a toujours été pratiquée. En Angleterre, pendant le XVIIIe siècle, l’or, étant évalué trop haut par la loi, resta seul dans la circulation ; l’argent, qui relativement avait ne plus grande valeur commerciale, était exporté. En France, depuis l’an XI jusque vers 1848, ce fut le contraire. La valeur légale de l’or étant inférieure à sa valeur réelle, l’argent faisait l’office d’intermédiaire général des échanges ; mais aussitôt que l’or s’avilit par la production des nouvelles mines, il afflua, remplaçant l’argent qui valait plus que le taux légal. Ainsi donc il n’y a jamais qu’un seul métal qui serve d’agent à la circulation, et c’est toujours le plus déprécié.

Avec le double étalon, la commune mesure des valeurs, qui est la monnaie, est exposée à une double chance de dépréciation. Lorsqu’un accroissement dans la production fait baisser l’or, aussitôt l’or s’introduit dans le pays, et l’étalon est déprécié. Lorsque la même circonstance se présente pour l’argent, ce métal prend la place de l’or, et une nouvelle dépréciation se produit. Ainsi instabilité de tout le système, base contraire à la réalité des faits, impossibilité de maintenir les deux métaux dans la circulation, double chance de dépréciation, tels sont les vices qui doivent faire rejeter le double étalon. La convention du 23 décembre l’a maintenu en conservant. l’écu de 5 francs à 900 millièmes de fin. C’est un grand danger pour l’avenir. C’est par là que le système de l’union est exposé à périr. C’est comme l’amorce d’une pompe aspirante au moyen de laquelle, à un moment donné, on pourra enlever toute la monnaie d’or qui circule maintenant. Que les mines d’argent du Mexique et des Montagnes-Rocheuses viennent à être largement exploitées par les Américains, que les placers d’or continuent à s’appauvrir, et l’argent s’avilira relativement à l’or. Aussitôt on fera monnayer de l’argent, on exportera l’or, et les états de l’union seront de nouveau réduits à cette monnaie lourde et gênante dont nous sommes tout à fait déshabitués. La communauté monétaire avec les pays à étalon d’or sera rompue, car les pièces internationales d’or disparaîtront chez nous de la circulation. L’association universelle constituée au prix de tant d’efforts sera rompue, faute de lui avoir donné pour fondement un principe juste, logiquement appliqué. Adopter l’étalon unique serait tout simplement rétablir le système français dans sa rigueur primitive. Le législateur de l’an lui n’avait admis qu’un seul étalon, le franc, c’est à dire 5 grammes