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de mammifères constamment cassés, fragmentés même, quelquefois brûlés ou portant la trace de la dent des carnivores. L’état de parfaite conservation des os enfouis dans le remblai intérieur de la grotte prouvait qu’à aucune époque les bêtes fauves, les hyènes en particulier, n’avaient pu y pénétrer. Du remblai piétiné de terre meuble existant dans l’intérieur de la cavité, M. Lartet exhuma des os entiers de l’ursus spelœus, une dent d’aurochs et quelques restes de carnassiers. En dehors de la grotte, il reconnut sous la terre amoncelée une assise noirâtre visiblement formée de cendres, de débris de charbon et de terre végétale, et au-dessous de laquelle apparurent les vestiges d’un foyer qui s’étendait sur une sorte de plate-forme, large de plusieurs mètres ; là le savant explorateur découvrit des silex et des os travaillés à la main offrant l’aspect d’armes ou d’outils, des dents et des os en tout ou en partie carbonisés, des molaires d’éléphant, des lames qui en avaient été séparées, et dont l’ivoire paraissait avoir été très altéré par l’action du feu. La présence dans les cendres mêmes du foyer de coprolithes (excrémens fossiles) de hyènes indiquait que ce puissant carnivore était venu dans la grotte, sans doute en l’absence de l’homme, se nourrir des résidus de ses repas. Je passe sous silence bien d’autres fossiles.

L’ensemble de ces découvertes indiquait qu’à une époque qui remonte au temps où ces espèces animales peuplaient le midi de la France, des hommes avaient été inhumés dans la caverne ; parmi les ossemens d’animaux, on vit les restes de quelques repas ou de quelque sacrifice funéraire. Les fouilles pratiquées aux grottes de Massât (Ariège) amenèrent des découvertes qui corroborèrent les faits qu’avaient mis en lumière les fouilles de la grotte d’Aurignac. En examinant les fragmens d’ossemens qu’un architecte, M. Joly-Leterme, avait trouvés dans une caverne située près de Savigné, sur les bords de la Charente, associés dans la même brèche à des os et à des silex travaillés, M. Lartet y reconnut des parties de bois et d’ossemens de renne portant, comme ceux d’Aurignac et de Massat, l’empreinte d’instrumens ayant servi à les casser ou à en détacher les chairs.

Ce sont les cavernes des départemens de la Dordogne et du Tarn-et-Garonne qui ont surtout fourni le plus imposant ensemble de témoignages en faveur de la coexistence sur notre sol de l’homme et d’animaux disparus depuis un temps immémorial. Les grottes des Eyzies, de Laugerie-Haute, de Laugerie-Basse, de la Madeleine et de Moustier, explorées par MM. Lartet et Christy, celle de Bruniquel, sise sur les bords de l’Aveyron, et où le propriétaire, M. de Lastic, a recueilli plus de quinze cents spécimens de l’industrie primitive, furent le théâtre de découvertes multipliées dont