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croyances ou du moins des superstitutions religieuses. Ce n’était donc pas, comme on s’est plu à l’avancer, une sorte de singe perfectionné, une variété plus intelligente du gorille ; c’était déjà l’être pensant et créateur, ayant le sentiment de l’idéal.

Une exploration ultérieure des autres cavernes permettra bientôt d’apprécier d’une manière plus complète l’industrie de ces temps primordiaux. Dans la France seule, on en a trouvé en plus de trente de nos départemens. Dans presque toutes ces grottes, on a constaté l’existence de foyers où, sur des assises de formation calcaire, on a déposé des roches cristallines étrangères à la localité, qui, par leur nature, pouvaient mieux résister à l’action du feu. Sur ces foyers sont ordinairement mélangés aux cendres, aux charbons, ou empâtés dans une brèche assez résistante, des instrumens de silex et des os travaillés. L’Europe n’est pas d’ailleurs la seule partie du monde où ait déjà été constatée la haute antiquité de l’homme, sa coexistence avec des espèces éteintes et son ignorance originelle de l’emploi des métaux. M. Louis Lartet a signalé dans le Liban l’existence de grottes ossifères où des silex taillés sont mêlés à des fragmens d’os de ruminans. On en a également rencontré en Amérique. il y a quelques années, un géologue voyageur, M. Marcou, annonçait la découverte à Natchez (Mississipi), dans le comté de Gasconnade (Missouri), à Big-bone-lick (Kentucky), d’ossemens humains, de têtes de flèche et de haches en silex engagés dans des couches placées au-dessous de celles qui renferment des débris de mastodontes, de mégalonyx, d’hipparions et d’autres mammifères éteints.

Le troisième âge est marqué par l’apparition de la pierre polie, car il est à noter que dans les grottes du Périgord, malgré l’habileté que dénote le travail du silex et de l’os, on n’a aperçu aucun spécimen d’arme ou d’outil quelconque en pierre portant des traces de polissage. Ces pierres polies, ces haches en silex, en serpentine, en néphrite, en obsidienne, ce ne sont plus les anciennes alluvions et les cavernes qui les fournissent en plus grande abondance, on les trouve plutôt dans des tourbières, dans des amoncellemens sans doute fort anciens, mais qui s’élèvent sur le sol actuel, dans des sépultures d’une excessive antiquité, dans des camps retranchés qui, comme celui que l’on appelle le Camp de César, près Périgueux, ceux de l’Hastedon, de Furfooz, de Poilvache en Belgique, furent postérieurement occupés par les Romains. Ces armes et ustensiles en pierre ont été recueillis par milliers en une foule de lieux, en France, en Belgique, en Suisse, en Angleterre, en Allemagne et en Scandinavie. Ce sont surtout les haches de cette catégorie que les antiquaires ont désignées, comme je l’ai déjà dit,