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Après elles viennent les hépathiques et les mousses pourvues de tiges et de feuilles, et dont le rôle est plus important, puis enfin les fougères, les lycopodiacées et les équisétacées. Celles-ci, munies de tiges, de feuilles et de racines, forment comme un anneau de transition et rattachent les cryptogames à l’embranchement supérieur. C’est ainsi que tout le long de la série végétale on voit la fonction croître avec l’organe et se manifester dans chaque espèce une force ascensionnelle qui, des premiers-nés de la création, s’élève jusqu’aux individualités les plus brillantes du règne tout entier.

Ne quittons point les origines. Au seuil même de l’existence, à ce point d’intersection d’où s’élancent en rayons divergens les trois règnes de la nature, nous apparaissent des êtres extraordinaires. La vie élémentaire semble hésiter, osciller à son début. On voit sur certains liquides en fermentation apparaître des pellicules gélatineuses qui se forment spontanément, augmentent de volume, et finissent par donner naissance à des myriades de cryptogames et d’infusoires microscopiques. Cette membrane proligère est à volonté une matière minérale sans cristallisation ou une matière végétale et animale sans organisation. De récentes découvertes[1] démontrent que, dans la cristallisation de certains corps, il se présente non pas seulement un simple accroissement, mais bien une. succession de formes et comme un état embryonnaire qui, dans ces corps bruts, affecte une disposition utriculaire exactement analogue à celle des tissus organiques. Ces phénomènes divers établissent un trait d’union qui relie les minéraux aux végétaux les plus inférieurs. On sait enfin quelles affinités rattachent l’un à l’autre les deux règnes supérieurs. Les trois règnes sont donc soudés par la base. La cellule paraît être l’organe essentiellement primordial de la vie, et c’est dans cet infime globule que la philosophie des sciences doit venir étudier le problème des origines.

Un autre caractère remarquable de la vie élémentaire, c’est une énergie extrême et comme un insatiable besoin de dépenser la surabondance de forces dont paraissent remplis tous les premiers-nés de la création. Quelle fièvre dans les volvox, les vibrions, les rotifères et tous ces infusoires qui, dans une goutte d’eau, poursuivent jusqu’à extinction de toute force leur fourmillement désordonné. Ces infusoires semblent nous éloigner de notre sujet, ils nous y ramènent au contraire. Cette énergie vitale qu’ils manifestent, la plante la possède aussi en de certaines circonstances, et à tel point que, franchissant la ligne de démarcation qui la sépare des animaux, elle leur emprunte un attribut spécial, la motilité ou faculté de se mouvoir.

  1. Celles de M. Charles Brame de Tours.