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devait à ses auxiliaires, sous une forme ou une autre, l’aliment de l’intelligence en même temps que le pain du corps. L’esprit de réforme a répandu alors sur tous les détails son souffle vivifiant. Peu à peu les installations défectueuses du début ont fait place à des édifices au sein desquels une ventilation énergique assure le renouvellement de l’air, et dont les façades pleinement dégagées donnent un libre accès à la lumière. Tout y est dans de telles proportions qu’en beaucoup de cas on a pu y introduire non-seulement la régularité, mais la moralité des services. Les femmes entrent et sortent par des escaliers distincts, et, quand la nature du travail s’y prête, cette séparation est maintenue dans les salles. L’enfance, naguère si négligée, est devenue l’objet de soins attentifs. — Les heures d’école sont imposées au même titre et aussi bien réglées que les heures de travail, et là où l’école communale fait défaut ou se trouve à trop de distance, des écoles spéciales la suppléent. La manufacture est-elle placée dans une ville, elle assure à ses ouvriers le bénéfice des institutions dont la ville est pourvue, depuis la crèche jusqu’aux conférences d’adultes. Est-elle isolée et dans le ressort d’une petite commune, elle crée de son chef et à ses frais les institutions nécessaires à sa vie intellectuelle et morale. Que n’a-t-on pas imaginé en ce genre sans rien attendre du concours de l’état : écoles de dessin, écoles de mécanique appliquée, de tissage, de chauffage, de géométrie descriptive, même d’électricité ! Ainsi des bibliothèques et du matériel d’enseignement, ainsi encore, et à un degré plus marqué, des œuvres d’assistance. Les vieillards, les invalides de la fabrique ont vu, dans leur délaissement, s’ouvrir pour eux des hospices particuliers, quelquefois des maisons de retraite ; les ouvriers nomades ont trouvé sur leur passage un toit et un lit avec des indemnités de séjour ; les ménages nécessiteux, des boulangeries, des lavoirs, des réfectoires économiques. L’accès à la propriété a été frayé à l’artisan économe sous la plus ingénieuse des formes, l’achat d’une maison dont il se libère au moyen d’annuités de loyers dont une portion agit comme amortissement. Encore n’est-ce là qu’une nomenclature sommaire empruntée aux documens officiels ; il faudrait, pour la compléter, y ajouter un très fort appoint, puisé dans les détails. Le titre par excellence de tout ceci, c’est d’être spontané et volontaire ; il est bon de le répéter afin d’en répandre le goût. Tous ces actes gracieux, qui attachaient une assistance à chaque besoin de la vie et s’étendaient de l’asile du premier âge à l’asile de vétérance, n’ont été le fait ni de la commune, ni de l’état ; le manufacturier seul en a pris la charge, et a prélevé sur sa fortune une dîme en faveur de ceux à qui en partie il la devait.