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attelé comme un cheval, les soulevant avec ses dents dans les passages difficiles, sans qu’il soit nécessaire de le guider autrement qu’avec la voix ou avec un bâton ferré en forme de crochet. Bien des personnes s’imaginent que les éléphans ne peuvent se reproduire à l’état de domesticité, et que tous ceux qu’on emploie sont des éléphans sauvages qu’on a dû apprivoiser. C’est une erreur : il y a dans le royaume de Siam une province très boisée en même temps que très peu peuplée, dans laquelle on élève des éléphans comme ailleurs le bétail ; une grande partie de ceux qui servent au transport des bois viennent de là. Les autres sont originaires de Ceylan, des forêts situées à l’est de Calcutta et de celles qui s’étendent au pied de l’Himalaya, où on leur fait une chasse active ; ces derniers sont généralement plus forts que les éléphans domestiques. Le prix de ces animaux est très variable et s’évalue d’après la charge qu’ils peuvent traîner. Ceux qui transportent facilement une pièce de teck de 60 à 80 pieds cubes ne valent pas moins de 1,500 roupies ou 3,500 francs environ.

Des bords de la rivière où ils sont déposés, les bois sont amenés jusqu’à la mer par des ouvriers flotteurs qui constituent une classe à part, et dont l’habileté est extrême. Les trains, formés de pièces réunies les unes aux autres par des écorces fibreuses, sont quelquefois très longs ; au centre s’élève une petite hutte en bambou recouverte de feuilles de palmier, où les flotteurs s’abritent pendant la nuit, car à ce moment ils s’approchent du rivage et s’amarrent à un arbre pour reprendre leur course le lendemain. Le flottage nécessite des travaux préparatoires considérables tels que l’extraction des rochers qui entravent la navigation, l’ouverture de canaux de dérivation, etc., et ce sont ces difficultés qui ont jusqu’ici entravé l’exploitation d’une partie des forêts de teck de la Birmanie, qui sont les plus belles qu’on connaisse.

La Birmanie anglaise comprend les provinces de Ténassérim, qui dépendaient autrefois du royaume de Siam, et le royaume de Pégu, qui jadis était indépendant. Conquises d’abord par les Birmans, ces contrées furent, à la suite des guerres entreprises par ces derniers contre les Anglais, incorporées à l’empire indo-britannique, dont elles occupent l’extrémité orientale. Elles sont traversées par trois fleuves principaux, qui courent du nord au sud et se jettent dans le golfe Martaban en formant trois grandes vallées, séparées par des chaînes de montagnes, et dans lesquelles débouchent un grand nombre de cours d’eau secondaires. Ces fleuves sont l’Irrawaddy, qui prend sa source dans le voisinage de la Chine et qui se jette dans la mer par une foule d’embouchures, embrassant un delta plus grand que celui du Nil, le Sittang et le Salween, lequel reçoit