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Palm à Westminster, ils marchent maintenant dans des voies tout à fait différentes de celles que suivait leur ministre favori. Ce n’est pas seulement dans la grande question de la réforme, à laquelle il aurait pu donner facilement une solution pacifique, qu’ils sont forcés de reconnaître combien il a fait fausse route. La question d’Orient vient d’entrer dans une phase qui pourrait bien mettre à néant tous les sacrifices que l’Angleterre lui a faits sous l’inspiration ou sous la conduite de son trop léger pilote. L’organisation de l’armée, l’armement de la flotte, ce qu’on appelle le ritualisme, et qui est si intimement lié aux institutions religieuses du pays, l’Irlande, les trade’s unions, ces associations ouvrières si menaçantes, sans lesquelles la réforme électorale n’offrirait guère de difficultés, sont autant d’affaires capitales dont on reproche à lord Palmerston de ne pas s’être sérieusement occupé. C’est au principe des nationalités, si hautement soutenu par lui, que les Anglais sont forcés d’attribuer l’affaiblissement mortel de la Turquie et les troubles de l’Irlande. A la vérité l’orgueil britannique se révolte avec raison à l’idée de voir comparer les Anglais en Irlande aux Russes en Pologne ; mais les fenians parlent différemment, et ils espèrent toujours qu’un autre Garibaldi arrivant de New-York dans des temps de trouble et de guerre pourra soustraire leur pays à ce qu’ils appellent le joug de l’Angleterre ; mais les Garibaldi sont rares, et le gouvernement anglais est plus fort que ne l’était le roi de Naples.

L’on essaierait en vain d’exposer en quelques pages le système électoral de l’Angleterre. Comme toutes les autres choses de ce pays, ce système offre les anomalies les plus singulières. Fondé généralement sur l’impôt, le droit électoral s’acquiert à des conditions diverses dans les villes et dans les campagnes, et il s’exerce aussi de la part de certaines corporations de la façon la plus bizarre ; un seul fait le prouvera. Dans le comté de Durham, tous les fils des marchands de draps, des merciers et des tailleurs sont électeurs de droit ; mais, pour les autres marchands, il n’y a que le fils aîné qui puisse voter. En augmentant beaucoup le nombre des votans, la réforme électorale de 1832 n’introduisit guère plus d’uniformité dans le système. Elle eut pour objet de faire passer en grande partie dans les classes moyennes le gouvernement du pays, qui auparavant était presque exclusivement entre les mains de l’aristocratie, et le but qu’on se proposait était si spécial, qu’on ne remarqua pas dans le moment que, par suite de cette réforme (lord Russell l’a reconnu récemment à la chambre des lords), cinquante-sept mille individus appartenant aux classes inférieures allaient perdre le droit de voter.

Cinq projets de loi pour la réforme électorale ont été présentés