Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

probablement menacé des douleurs qui rendirent si amère la vie de Dante. C’est à lui de voir s’il veut léguer à la postérité un nom qui mérite de vivre.

Dans un moment où les anciens partis ont perdu leur cohésion et où il est si difficile de former une majorité au sein du parlement, M. Disraeli avait d’abord proposé que la chambre des communes procédât par résolutions, c’est-à-dire que, sous la direction du ministère, elle rédigeât elle-même, article par article, la nouvelle loi électorale. Cette proposition ayant été rejetée, le ministère dut présenter un nouveau projet de loi dans lequel l’abaissement du cens électoral était accompagné de certaines réserves qui, au dire de l’opposition, auraient mis la réforme à néant. De là grande rumeur et grande agitation. C’était surtout une question de statistique ; mais les chiffres présentés de divers côtés diffèrent tellement entre eux, qu’il y a de quoi donner le vertige au plus habile actuary de Londres. Comment faire pourtant ? M. Gladstone, qui avait annoncé d’abord qu’il y avait lieu à discuter, en l’amendant, le projet du gouvernement, — poussé apparemment par M. Bright et par les meetings en plein air où l’on déclarait que tout compromis avec un ministère tory était impossible et qu’il fallait tout accorder aux masses ouvrières, sans aucune barrière, sans aucun contre-poids, — est revenu à la charge en menaçant sérieusement l’existence du ministère. Il persiste dans cette voie au grand regret d’une portion de ses partisans, qui comprennent que si lord Derby se retire, il n’y a guère d’espoir de régler cette année la question de la réforme, et qui ne voudraient pas prolonger jusqu’à l’année prochaine l’agitation produite dans le pays. Ouvrir les portes toutes grandes aux ouvriers, c’est les ouvrir à la révolution : la portée de cette mesure serait incalculable. Les laisser fermées ou ne les ouvrir qu’à demi offre aussi de graves inconvéniens. M. Gladstone a posé son ultimatum en sommant le gouvernement de faire connaître quelles sont les dispositions du projet de loi qu’il est prêt à abandonner. A cela les conservateurs répondent que c’est au parlement de manifester sa volonté et au ministère ensuite de faire ce que le sentiment de sa dignité lui suggérera. De là des récriminations mutuelles et une difficulté d’avancer, une confusion qui, — par cela même qu’il y a une majorité négative contre tout et qu’on ne voit se former de majorité affirmative pour rien, — fait dire aux agitateurs qu’au fond le parlement ne veut pas de réforme, et que le seul remède est d’aller le jeter à la rivière.

On ne travaille à rien sans salaire, disait il y a peu de jours M. Oliphant à la chambre des communes. Ce principe, assez vrai partout, est incontestable en Angleterre, où la question d’argent,