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à la vapeur, et qui, dans certaines localités données, feraient en plein air tout ce que prescrit le rituel. Il ne faut donc pas s’étonner si, au moment de la grande démonstration du mois de décembre dernier, M. Potter naguère l’idole des masses, ayant été accusé d’appeler Dieu au secours du suffrage universel, a été chassé du conseil exécutif de la ligue, et si M. Bradlaugh (l’iconoclaste) a été nommé à sa place. Chez le baron d’Holbach, il y avait une tribune où l’abbé Galiani pouvait s’écrier : Les dez sont pipés ; de notre temps, cela ne serait plus admis par les démolisseurs, et Robespierre lui-même, avec sa fête de l’Être suprême, serait traité de perruque. Pour montrer par un fait l’influence de ces prédications subversives, il n’y a qu’à citer l’exemple de l’Irlande, où le clergé catholique était le maître il y a peu de mois, et où il semble avoir perdu une grande partie de son ascendant. c’est à l’influence d’un seul journal local, le Irish People, que l’on attribue en Irlande ce résultat. Ceux à qui ces énormités sembleraient incroyables n’ont qu’à jeter les yeux sur le National Reformer, qui paraît tous les samedis dans une court de Fleet-Street, à laquelle Johnson (qui probablement ne s’attendait pas à avoir de tels successeurs) a donné son nom. A défaut de ce Reformer, on pourrait recourir au Saturday Gazette, autre publication hebdomadaire qui signale de temps en temps avec courage et talent ces tristes aberrations.

Faut-il penser pour cela que l’Angleterre soit au moment de se jeter tête baissée dans le gouffre de l’athéisme public, et que les croyances religieuses soient près de s’éteindre dans la patrie de Wicleff ? Ce serait ridicule de le supposer. Ce qu’il fallait constater, c’est que ces ouvriers, pour lesquels on réclame une si large part dans le gouvernement du pays, sont exposés à de bien mauvaises influences, et que les coteries remuantes qui parlent en leur nom obéissent à de déplorables inspirations. En suivant des chefs tels que l’iconoclaste, ils ne pourraient qu’affaiblir l’intérêt que de toutes parts on n’a pas cessé de leur témoigner. M. Gladstone lui-même a probablement déjà eu l’occasion de regretter d’avoir, en une circonstance toute récente, accueilli comme un allié M. Bradlaugh, qui, du reste, ne lui a pas épargné ses rebuffades. On ne saurait en effet s’empêcher de remarquer que le 8 mars dernier, immédiatement après que cette espèce d’alliance si singulière a été connue par les journaux, M. Gladstone s’est vu abandonné au parlement par une partie de ses adhérens à l’heure même où avec une confiance prématurée il se croyait certain de ressaisir le pouvoir. Quel que soit le résultat de ces assauts journaliers livrés par M. Gladstone au cabinet Derby, il faut bien se convaincre que la crise ne fait que commencer. Si ce cabinet tombe, l’agitation ira toujours en