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mais il ne fut pas difficile de prouver que cette proportion ne suffisait pas. Le revenu des terres absorbé tout entier laissait encore un déficit. À quoi il répondait, que le revenu net ne manquerait pas de monter avec son système, soit par l’augmentation des produits, soit par l’élévation des prix ruraux, et que les dépenses de l’état diminueraient en même temps, soit par l’économie des frais de perception, soit par la baisse des prix sur tous les objets qui n’auraient plus à supporter les contributions indirectes ; c’est ce qu’il appelait le repompement. Cette thèse contenait sans doute beaucoup de vrai, mais elle était pleine de doutes et d’obscurités ; elle ouvrait la voie à des discussions interminables. D’une part, le gouvernement eut peur de réduire son revenu ; de l’autre, les propriétaires fonciers craignirent de voir augmenter démesurément leurs charges ; les financiers, menacés dans leurs intérêts, crièrent à l’utopie, et le système fut jugé.

L’issue du débat eût pu être différente, si Quesnay, au lieu de s’obstiner dans son impôt unique exclusivement assis sur le sol, s’était borné à soutenir l’impôt direct contre l’impôt indirect. C’était au fond sa véritable pensée, mais pour admettre d’autres formes d’impôt direct il aurait fallu reconnaître d’autres produits et d’autres revenus que ceux du sol, ce qui répugnait à son esprit rigoureux et inflexible ; il ne voulait même pas de l’impôt sur les maisons, par cette raison théorique que les maisons s’usent et ne se reproduisent pas comme les fruits de la culture. Ainsi périt par l’excès une idée juste en elle-même. On dit, pour défendre les impôts indirects, que les peuples les paient en quelque sorte sans le savoir ; mais cette raison, qui n’est pas sans réponse même aujourd’hui, était inadmissible du temps de Quesnay. L’art de percevoir les impôts indirects en les dissimulant était tout à fait inconnu. La gabelle entre autres réalisait dans la perception ce qu’on peut imaginer de plus barbare, et les haines qui couvaient dans le peuple contre le gouvernement provenaient surtout de ces exactions. On n’évaluait pas les frais de perception à moins de 50 pour 100, Quesnay va même jusqu’à dire que sous Louis XIV ces frais avaient absorbé les deux tiers de la recette.

En portant le produit total des contributions, au milieu du XVIIIe siècle, à 500 millions de livres, dont 300 millions seulement entraient au trésor royal, la suppression des impôts indirects aurait permis de réduire les charges publiques de 200 millions. L’opération eût donc été excellente pour les contribuables, et en la payant d’un surcroît d’impôt foncier les propriétaires n’y auraient pas perdu, surtout si la noblesse et le clergé avaient renoncé à leurs privilèges, comme le demandait implicitement Quesnay. Les contrô-