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l’agriculture. On y retrouve l’épithète de stérile, qui, appliquée cette fois aux dépenses improductives, est parfaitement justifiée.

« 10. — Qu’une partie de la somme des revenus ne passe pas à l’étranger, sans retour en argent ou en marchandises.

« 11. — Qu’on évite la désertion des habitans qui emporteraient leurs richesses loin du pays. »

La première de ces deux maximes s’applique probablement aux tributs qu’on payait alors à la cour de Rome sous la dénomination d’annates ; on appelait ainsi le prélèvement d’une année de revenu sur les bénéfices dont le pape donnait l’investiture. La seconde contient une allusion à la révocation de l’édit de Nantes et aux persécutions religieuses qui chassaient de France un grand nombre d’hommes riches et industrieux.

« 12. — Que les enfans des riches fermiers s’établissent dans les campagnes pour y perpétuer les laboureurs, car si quelques vexations leur font abandonner les campagnes et les déterminent à se retirer dans les villes, ils y portent les richesses de leurs pères qui étaient employées à la culture ; ce sont moins les hommes que les richesses qu’il faut attirer dans les campagnes.

« 13. — Que chacun soit libre de cultiver dans son champ telles productions que son intérêt, ses facultés, la nature du terrain, lui suggèrent pour obtenir le plus grand produit possible.

« 14. — Qu’on favorise la multiplication des bestiaux, car ce sont eux qui fournissent aux terres les engrais qui procurent les riches moissons.

« 15. — Que les terres employées à la culture des grains soient réunies, autant qu’il est possible, en grandes fermes exploitées par de riches laboureurs, car il y a moins de dépenses pour l’entretien et la réparation des bâtimens, et à proportion beaucoup moins de frais et beaucoup plus de produit net dans les grandes entreprise d’agriculture que dans les petites. »

Quesnay veut éviter que les fils des riches fermiers quittent les champs pour s’établir à la ville ; mais, quel que soit le style impérieux dont il se sert, il est bien loin de provoquer envers eux la moindre contrainte, il demande seulement qu’on les mette à l’abri des vexations qui pourraient leur rendre pénible leur séjour naturel. Il veut parler de la taille et de la milice. La taille entraînait, quand elle était personnelle, c’est-à-dire perçue sur les facultés présumées du contribuable, une série d’inquisitions et d’injustices qui devenaient insupportables pour tout paysan un peu aisé. Le tirage à la milice, aujourd’hui supporté sans murmure parce qu’il porte sur tout le monde, était accompagné d’inégalités et de privilèges qui le rendaient odieux ; on y échappait en se réfugiant