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l’agriculture. Le capital acquis à un pays par le commerce et les manufactures n’est pour lui qu’une possession précaire et incertaine tant qu’il n’y en a pas une partie réalisée dans la culture de ses terres. Un marchand n’est citoyen d’aucun pays en particulier. On ne peut pas dire qu’un capital appartienne à un pays tant qu’il n’a pas été répandu sur la surface de la terre en bâtimens et autres améliorations durables. De toutes les immenses richesses qu’on dit avoir été possédées par les villes anséatiques, il ne reste plus maintenant aucun vestige. Les calamités qui ont désolé l’Italie ont fort diminué le commerce et les manufactures des villes de la Lombardie et de la Toscane ; ces pays n’en sont pas moins encore au nombre des plus peuplés de l’Europe parce qu’ils sont des mieux cultivés. Les guerres civiles de la Flandre et le gouvernement espagnol qui leur succéda ont chassé le grand commerce des villes d’Anvers, de Gand et de Bruges, mais la Flandre continue toujours d’être une des provinces les plus riches et les plus peuplées, parce qu’elle est une des mieux cultivées. Les révolutions de la guerre et du gouvernement dessèchent les sources de la richesse qui vient du commerce, celle qui procède des progrès plus solides de l’agriculture est d’une nature beaucoup plus durable. »

Dans une autre partie de son ouvrage, Adam Smith, traitant des systèmes d’économie politique, expose ce qu’il appelle le système agricole, par opposition au système commercial ; fort sévère pour le système commercial ou mercantile, il ne condamne dans le système agricole que l’exagération ; il ne parle qu’avec un véritable respect des économistes français : « ce sont, dit-il, des hommes d’un grand savoir et d’un grand mérite, leur système est noble et ingénieux, et de tout ce qu’on a encore publié sur l’économie politique, c’est ce qui se rapproche le plus de la vérité. » Il avait connu Quesnay et ses amis lors de son voyage à Paris, et il avait certainement puisé dans leurs écrits et dans leurs entretiens une partie de ses idées.

Sur la question de l’impôt, il se sépare plus nettement des physiocrates. Avec ce bon sens pratique qu’il tient de sa race et de son pays, il s’attache beaucoup plus à perfectionner les taxes existantes qu’à les bouleverser. Il accepte les impôts sur les objets de consommation, mais avec de grandes réserves ; ces impôts ont à ses yeux les mêmes inconvéniens qu’aux yeux de Quesnay ; ils entraînent de grands frais de perception, entravent et découragent les industries, excitent à la violation de la loi et exposent les contribuables à des vexations. Ce n’est pas une raison suffisante pour les supprimer, c’en est une pour les maintenir dans de justes bornes. Suivant lui, les finances de la France étaient alors susceptibles de trois réformes principales : 1o abolir la taille et la capitation, et percevoir