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puisse faire pour elle. M. de Bismark a en réalité accompli l’unité de l’Allemagne. Ses traités militaires de l’an dernier avec les états du sud ont assuré l’union au point de vue militaire ; la reconstitution du Zollverein, stipulant la représentation partielle et spéciale des états du sud dans le parlement de la confédération du nord, prépare la fusion politique des deux parties de l’Allemagne qui demeurent encore séparées nominalement. Il n’y aurait aujourd’hui pour nous ni intérêt ni dignité à contrarier la politique prussienne en Allemagne dans son mouvement logique et à peu près accompli déjà ; notre intérêt et notre dignité nous interdisent avec plus de force encore de l’y aider. Cependant, si nous étions ombrageux, et si le cabinet de Berlin manquait d’égards envers nous, les sujets de discussion et les causes de conflit ne feraient point défaut entre la France et la Prusse. Il y a par exemple à régler conformément au traité de Prague la question du Slesvig. Il y a la question des anciennes forteresses fédérales appartenant aux états du sud, Rastadt, Mayence, Landau, Ulm. Si les principes qui ont prévalu dans la transaction du Luxembourg devaient avoir une application générale, si la rupture de l’ancienne confédération, qui a fait perdre à la Prusse le droit de tenir garnison dans une citadelle fédérale, entraînait la perte du même droit pour les forteresses placées dans des conditions semblables, si la France était d’humeur à présenter sur ce point des réclamations positives, la controverse pourrait être grave. Voilà des questions délicates sur la solution desquelles peut influer favorablement l’effet moral du voyage du roi de Prusse et de son ministre à Paris. Avec les relations amicales qui doivent s’être confirmées ou rétablies, on pourra prévenir des chocs périlleux. La France ne sera pas pointilleuse ; il faut espérer que le cabinet de Berlin sera prudent et modéré, ne poussera pas ses avantages à outrance, et saura éviter de fournir des prétextes légitimes aux susceptibilités françaises.

Il doit en être pour la Russie comme pour la Prusse. Des rapports amicaux, mais pas de vaste et arbitraire combinaison politique entreprise en commun. Le tsar a eu l’apparence de vouloir payer sa bienvenue parmi nous par une mesure d’adoucissement envers la Pologne, qu’on a décorée du nom d’amnistie. Sans trouver cette réparation suffisante, on peut tenir compte de l’intention honorable pour la France qui l’a inspirée. Quant à l’Orient, il n’y a rien de grand et de décisif à y faire ensemble. Il n’y a point de nouvelles répartitions de territoire à y tenter. Il faut assurément veiller sans cesse à l’amélioration du sort des populations chrétiennes ; mais il ne faut point prêter les mains à une dislocation violente de l’empire ottoman. La politique de la Russie envers la Turquie a des amertumes, des sévérités, une habitude de tracasseries incessantes à laquelle la France ne doit point s’associer. On empêche le progrès en Turquie en fomentant le mécontentement des populations chrétiennes, en affaiblissant la Porte par des pressions impérieuses et humiliantes. Des conseils amicaux et désinté-